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mardi 9 janvier 2018

La préparation de la main à l'écriture par les activités Montessori


J'avais écrit cet article en 2010 dans la partie "bibliothèque" du blog quand il était sur la précédente plateforme. Je n'avais pu récupérer que le texte avant la disparition du blog. A la fin de mon billet sur la méthode Dumont, je vous avait dit que j'allais le remettre en ligne.
Aujourd'hui, je vous propose de relire cet article qui fait le point sur la préparation de la main à l'écriture sans exercice de calligraphie proprement dit et qui reste valable même en utilisant la méthode Dumont dans le cursus montessorien. Bonne lecture.

Le geste d’écrire suppose l’acquisition de plusieurs compétences:
la tenue correcte du crayon
la musculature du poignet et des doigts
le sens de l’écriture
la précision du geste
le «toucher léger»
la connaissance du tracé des lettres

On remarquera que le tracé des lettres est la dernière compétence à acquérir. Elle ne sert à rien si le geste d’écrire n’a pas été préparé. L’originalité de la pédagogie Montessori tient au fait qu’elle ne propose pas d’exercice spécifique de graphisme comme on en voit tant en maternelle classique. La préparation à l’écriture se réalise de manière indirecte au travers des exercices de la vie pratique et de la vie sensorielle.


La tenue correcte du crayon



Elle est préparée par 2 sortes d’exercices: lors du versé de grosses graines, on montre à l’enfant comment ramasser chaque graine tombée sur le plateau en la saisissant par l’extrémité des 3 doigts scripteurs rassemblés. Il est important, lorsqu’on montre ce contrôle de l’erreur, de retourner sa main vers l’enfant pour lui montrer comment attraper la graine. L’enfant prendra ainsi l’habitude de mobiliser ces 3 doigts ensemble. 



De nombreux exercices proposent ensuite à l’enfant d’utiliser cette «pince à 3 doigts» pour soulever des éléments. Ce sont d’abord les gros boutons des cylindres d’encastrements puis les boutons plus petits du cabinet de géométrie, du cabinet des feuilles et des innombrables puzzles (géographie, zoologie, botanique.)




Avec cette préparation, l’enfant tient le plus souvent correctement son instrument lorsqu’on lui présente des craies grasses puis plus tard une craie. Si sa tenue reste incorrecte malgré une utilisation spontanée de la pince à 3 doigts dans les exercices de la vie pratique et sensorielle, on pourra proposer à l’enfant une petite présentation pour l’aider à saisir et à utiliser correctement son crayon.



Montrer lentement en décomposant les mouvements comment attraper et manipuler un crayon peut être utile si l’enfant ne parvient pas à trouver seul sa position malgré les exercices indirects. 


La musculature du poignet et des doigts


Le geste scripteur exige du poignet et des doigts à la fois force et souplesse. La main enfantine va acquérir cette nécessaire musculature essentiellement en pratiquant la vie pratique, les blocs des cylindres et, en fin de parcours, les formes à dessin. Les exercices de versés ainsi que les cylindres à encastrer sollicitent particulièrement le poignet au moment où l’enfant soulève les pots ou les cylindres en les tenant par l’anse ou le bouton. Dans le cas des versés, s’y ajoute un mouvement contrôlé du poignet au moment du versé proprement dit. Un mouvement similaire est effectué lorsque l’enfant replace les cylindres dans le bloc.



«Laver le miroir», «laver la table», «polir les cuivres», «cirer les chaussures», «nettoyer le miroir», demandent des mouvements répétitifs et appuyés qui font travailler la main entière et le poignet.



L’essorage des éponges («bassines et éponges» ainsi que toutes les activités utilisant l’eau), l’utilisation de la pipette à jus ainsi que les exercices de découpage contribuent à la musculation générale de la main.




Les exercices de transvasement à la pince, ainsi qu’au compte-gouttes, les pinces à linge, mobilisent plus précisément les muscles en jeu pour la tenue du crayon.






Lorsque la main et les doigts ont déjà acquis une certaine musculature, l’exercice des formes à dessin permet de travailler également l’endurance dans l’effort de la tenue du crayon.




Le sens de l’écriture



Ecrire suppose que l’oeil et la main se soient familiarisés avec 3 directions: du haut vers le bas, de la gauche vers la droite et le sens anti-horaire (contraire au sens des aiguilles d’une montre).
NB: dans un contexte culturel différent (apprentissage de l’arabe par exemple), les sens à acquérir pourront être différents: de droite à gauche et sens horaire pour la calligraphie arabe. 
Ces 3 directions sont mises en place de manière indirecte par la manière dont nous présentons les exercices de vie pratique et sensorielle. Par exemple: on touche les lignes des serviettes des pliés systématiquement de gauche à droite et de haut en bas. On nettoie le miroir en étalant le blanc de Meudon en larges boucles anti-horaires puis on l’essuie d’un mouvement net du haut vers le bas.




Pour laver la table, le savon est étalé du haut vers le bas en commençant par la gauche. Il est brossé en larges boucles anti-horaires et essuyé avec l’éponge de haut en bas en commençant par la gauche. Les cuivres et les chaussures sont brossés en boucles anti-horaires. 






Lorsqu’on présente les blocs des cylindres, on retire les cylindres en commençant par la gauche puis on touche les trous en commençant par la gauche dans le sens anti-horaire. De même, les formes du cabinet de géométrie sont touchés dans le sens anti-horaire...

Bref, dans tous les gestes que nous montrons aux enfants, nous privilégions le sens de l’écriture. Il en résulte une imprégnation forte pour l'enfant, même s'il ne refait pas exactement nos gestes lorsqu'il travaille seul.
Avec toutes les préparations indirectes dont nous venons de parler, la main est presque prête à l’écriture. 


La précision du geste



Il faut maintenant que le contrôle que l’enfant a acquis par les exercices de vie pratique s’affine pour arriver au niveau requis par l’écriture.
L’exercice du cabinet de géométrie permet particulièrement d’acquérir cette précision. En effet, en touchant le cadre puis le bord de la figure, il affine la précision de son geste. 





Le cabinet des feuilles et les cartes de géographie renforcent cette compétence. De même, le toucher sur les blocs des cylindres et -dans une moindre mesure- sur les bords des triangles constructeurs.






Quand le geste de l’enfant est déjà plus maîtrisé, il va s’entraîner sur un dernier exercice plus spécifique, le seul qui puisse être qualifié d’exercice de graphisme dans la pédagogie Montessori. Je veux parler des formes à dessin.  
En traçant d’abord dans le cadre puis autour de la forme, l’enfant refait ce qu’il a déjà pratiqué avec le cabinet de géométrie. Mais cette fois, il a un crayon dans la main et doit tenir suffisamment fermement la forme sur le papier pour qu’elle ne glisse pas pendant le tracé.





Ensuite, lorsqu’il remplit la forme de hachures ou la colorie, son tracé doit être sûr pour ne pas dépasser et produire de belles hachures régulières. 



Le «toucher léger»



L’expression est utilisée par Maria Montessori dans le Tome 1 de la Pédagogie Scientifique. Elle désigne le degré de pression exact que doit exercer la main sur le papier. La main doit être ferme et sure mais ne doit pas appuyer trop fermement sur le papier sinon le stylo le transperce. De même, la main doit être posée sur la feuille mais doit pouvoir glisser avec légèreté sur la droite au fur et à mesure que les lettres et les mots sont écrits. 
L’exercice qui permet d’arriver à ce «toucher léger» est les tablettes rugueuses. Si l’enfant appuie trop le bout de ses doigts sur le papier de verre, il se fait mal. S’il effleure juste, il ne sent pas assez les différences de rugosité. Tant que cette compétence n’est pas acquise, la présentation des lettres rugueuses est prématurée: le tracé des lettres sera chaotique.



La connaissance du tracé des lettres



Dernière étape avant la calligraphie: l’enfant apprend le tracé exact de chaque lettre. Les lettres rugueuses permettent cela. La main de l’enfant est parfaitement préparée à cet exercice. Le chemin de chaque lettre va se graver dans le corps de l’enfant en même temps que sa forme visuelle et le son qu’elle produit. Les lettres rugueuses sont d’abord travaillées 3 par 3 en leçon individuelle avec l’éducateur (leçons en 3 temps) jusqu’à ce que l’enfant connaisse le son mais aussi la manière de tracer chaque lettre (par où commencer, dans quel sens tracer..). Ensuite, l’enfant va re-travailler tout seul ses lettres rugueuses en même temps qu’il continue à en apprendre de nouvelles avec l’éducateur. Lorsque ce dernier constate qu’une ou plusieurs lettres sont vraiment très bien touchées par l’enfant, il peut les toucher seul.



Même si l’enfant mémorise rapidement les lettres et leur son, il est essentiel que l’enfant continue à les toucher: c’est ainsi qu’il parviendra plus facilement à la calligraphie. Autre point important: lors de notre présentation, nous touchons successivement chaque lettre avec les 2 mains. Il est fascinant de voir combien le fait de toucher -même de manière malhabile- avec la main qui n’écrit pas améliore la précision du geste de la main qui écrit. Lorsqu’on constate que le toucher ce l’enfant est sûr, on lui propose de toucher les lettres les yeux fermés (l’opposition lisse/rugueux permet à l’enfant de savoir s’il trace bien) puis de tracé dans un bac de sable.



2 commentaires:

  1. Merci Marie-Hélène pour cette parfaite synthèse. J'avais raté votre article, qui n'a pas été signalé via mon abonnement à votre blog. Suis-je la seule n'avoir pas été avertie ?
    J'espère que vous allez continuer à nous éclairer sur le chemin montessorien, même très ponctuellement, votre aide est précieuse !

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