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jeudi 9 mars 2017

Les dictées muettes



Aujourd'hui, je vous propose un article de synthèse sur les dictée muettes: leur histoire, leur utilisation, leur progression

I Un peu d'Histoire...

Les dictées muettes sont un matériel créé par Hélène Lubienska de Lenval.
Cette jeune femme d'origine polonaise commença à se former à la pédagogie Montessori en 1929 et devint très vite une collaboratrice de Maria Montessori chargé notamment du développement de la pédagogie pour l'apprentissage en français.
Les 2 femmes travaillèrent en étroite collaboration jusqu'en 1934 mais des questions financières lors du Congrès de Nice et une intervention maladroite du mari d'Hélène à propos du matériel de mathématiques mit brusquement fin à leurs relations.

En faisant des recherches, je ne suis pas arrivée à retrouver de quand exactement datent les dictées muettes. Alors que beaucoup de sites mentionnent une date d'édition de 1962, on trouve sur le site la BNF la mention d'une édition de 1947. Le système des dictées muettes remonte donc à une époque ancienne.

Actuellement les dictées sont parfois un matériel boudé, voire rejeté, notamment sous l'influence de l'AMI. Il serait pourtant dommage d'ignorer cet outil qui a été conçu spécifiquement pour la langue française.
Le matériel des boites rose, bleues et vertes qui le remplace au sein de l'AMI reprend partie de son travail mais d'une manière différente.

Prenons le temps de voir comment ce matériel est présenté par son auteure elle-même.

J'ai eu la chance, il y a quelques années, de pouvoir accéder à la 1ère partie de ces dictées muettes sur Gallica , préfacée par Hélène Lubienska elle-même avec une seconde préface de Mlle Giordan. Le document ne semble plus accessible, mais je l'avais sauvegardé.



Hélène Lubienska de Lenval y décrit la méthode d'apprentissage de la lecture: les lettres muettes, puis la composition de mots en utilisant les dictées, enfin la lecture.
Elle explique comment elle a choisi les mots pour composer une suite graduée dans la difficulté:
"Il lui suffit de connaître sept lettres pour composer les neuf mots représentés par les images de la première série et plusieurs autres, tels or, sol, soc. Par la suite, chaque fois que je lui donne une nouvelle série d'images, il a une seule difficulté à remarquer et à retenir pour composer sans faute. Sa tâche étant bien définie, il travaille avec calme et assurance (les limites sont un appui pour son esprit)."
L'avantage de ce matériel est donc de posséder une progression extrêmement réfléchie, à la fois en terme de difficulté de décomposition mais également d'orthographe, puisque c'est une donnée que Maria Montessori ne pouvait intégrer (Les Italiens ont la chance d'avoir une langue phonétique!)
Je vous parlerai dans la suite de cet article de cette progression.


Dans la préface, on se rend compte que le matériel a été fabriqué pour les 4-6 ans, mais qu'elle l'utilisait beaucoup en 11ème, c'est-à dire au CP. La première partie des dictées (1 à 30) avait été conçue plutôt pour les 3-6 ans (maternelle et 11ème) les dictées suivantes (31-66) plutôt pour la 10ème (CE1 actuel) mais un certain nombre d'enfants faisaient à peu près toute la série dans l'année de la 11ème.
Bien qu'Hélène Lubienska mette en garde sur la tentation d'aller trop vite et notamment sur la volonté de faire lire l'enfant trop tôt, il semble évident que l'utilisation des dictées en 11ème était très intensive puisque certains enfants arrivaient à en travailler une cinquantaine par an en les travaillant plusieurs fois de suite. Le rythme annoncé ne correspond donc pas à ce que nous proposons actuellement.

Il est intéressant de constater que les dictées étaient accompagnées d'une série de billets d'ordres: petites phrases de plus en plus longues et comportant de plus en plus de graphies complexes à lire et à faire (ainsi on associe le mouvement à l'activité intellectuelle et on vérifie de surcroît que la compréhension de ce qui est lu est bien là.)

II Utiliser les dictées aujourd'hui


Il paraît assez évident, en lisant la préface des Dictées Muettes, que nous ne pouvons plus les utiliser de la même manière que dans les années 50 ou 60. D'ailleurs, lorsqu'elles m'ont été présentées en formation, leur utilisation était déjà un peu différente.
En effet, Hélène Lubienska amène ses dictées comme le matériel qui suit directement l'apprentissage des premières lettres. Elle ne fait pas mention d'un exercice pourtant fondamental: l'écriture spontanée.
Certaines personnes s'affolent un peu lorsqu'on leur explique que nous proposons à l'enfant d'écrire ce qu'il a en lui avec les moyens à sa disposition, donc même en phonétique, et même en attachant tous les mots. Ainsi l'enfant qui aura passé des vacances au bord de la mer aura peut-être envie d'écrire "bato" ou "jèfèdubato" (voir mon vieil article sur le "riconmanj" ).
Ne paniquons pas à propos cette période d'écriture phonétique avec un petit enfant de 4 ou 5 ans. Veillons à relire sa production en disant :"je lis..." avant de déchiffrer ses mots. Ainsi l'enfant entend bien qu'il a réussi à coder avec des lettres ce qu'il voulait écrire, mais il n'intègre pas que c'est ainsi que ça s'écrit (ce qui pourrait arriver si nous lui disions "tu as écrit..." )
Il est important que le petit enfant qui découvre le principe de l'écriture alphabétique puisse se concentrer sur le système lettre/son et qu'il puisse profiter de la profonde joie intérieure d'avoir réussi à coder quelque chose de déchiffrable sans être corrigé pour des éléments qu'il ne peut pas encore connaître.

Utiliser uniquement les dictées muettes comme outil d'écriture pour l'enfant présente l'avantage que l'enfant écrira forcément avec la bonne orthographe puisque les difficultés sont abordées l'une après l'autre de manière très progressive. Mais c'est lui enlever la possibilité de s'approprier  la portée réelle de l'écriture: la possibilité d'exprimer par signes graphiques, sans aucun son, ce qu'on a à l'intérieur de soi (émotion, pensée, récit...).
Certains pédagogues reprochent de manière virulente aux méthodes alphabétiques, syllabiques et phonétiques de ne pas faire sens et d'apprendre mécaniquement le déchiffrage à l'enfant sans qu'il saisissent les enjeux de l'écrit.
On peut dire que dans la méthode Montessori, on est bien loin de ce reproche, puisque justement, par la pratique de l'écriture spontanée, on permet à l'enfant d'expérimenter la dimension de communication de l'écrit, tout en travaillant le rapport lettre-son.

Il est de bon ton, actuellement, de dire que l'enfant doit être mis immédiatement devant l'orthographe correcte des mots et qu'on ne doit pas laisser passer d'erreurs. Gardons-nous de tomber dans ce travers en Montessori, au risque de démolir à l'intérieur de l'enfant toute la joie et toute la confiance qui vient de se construire par son propre travail.
Sur la page Facebook du film "Le maître est l'enfant", Alexandre Mourot a publié l'autre jour une photo du travail de deux enfants:

tiré de la page facebook de "le maître est l'enfant"
La joie de ces 2 enfants est visible même de dos!
Imaginez-vous maintenant que l'enseignant arrive pour corriger le "demin" en ajoutant un "a" (que l'enfant ne comprendra pas), en séparant le pronom et le verbe, en rectifiant "vé" en "vais" ("mais, je n'entends pas "ss" dans ce mot!", protestera-t-il...), en changeant le "o" en "au" (dont l'enfant n'a sans doute pas encore conscience qu'il fait "o" lui-aussi), en enlevant le "s" de "sinéma" pour y mettre un "c" ("mais, je n'entends pas "kinéma"....)
A la fin de la seule première ligne de correction, toute l'estime de soi que ces deux enfants venaient de construire par leur patient travail d'analyse de tous les sons de leur phrase sera réduite à néant. A la place, les enfants se diront: "je suis incapable d'écrire correctement..." et comme il y aura eu une série de corrections complexe l'enfant ne pourra que se dire: "décidément, écrire, c'est trop compliqué pour moi, je n'y arriverai jamais..."
Lui qui était partant pour écrire tout ce qui lui passait par la tête va juste cesser progressivement d'écrire quoi que ce soit, craignant une avalanche de corrections qui ne peut que le noyer et non l'encourager à persévérer.

Pour résoudre le problème, les écoles maternelles classiques proposent la dictée à l'adulte, mais cet exercice est bien moins puissant que l'écriture spontanée qui rend l'enfant acteur du codage de son message dès qu'il en est capable.

Certes ce codage est encore fautif du point de vue de cette norme qu'est l'orthographe mais pas du point de vue de la phonétique. Et cela n'exclut pas un travail en parallèle sur l'acquisition progressive de l'orthographe, notamment grâce aux dictée muettes et à la grammaire des symboles. Remarquons sur l'image qu'une prise de conscience orthographique est en cours puisque l'enfant qui a écrit la 2ème ligne a séparé les 2 prénoms et la conjonction, a intégré l'orthographe du "et" ainsi eu celle du prénom "Louis".

En complément de l'écriture spontanée, les dictées muettes restent une proposition doublement intéressante dans le cursus montessorien: comme aide à la lecture et comme apprentissage d'un certain nombre de bases orthographiques d'usage.
Si l'on veille à encourager et valoriser l'écriture spontanée et que l'on soutient d'une manière positive l'exercice des dictées, les enfants les travailleront beaucoup plus facilement que si on ne leur propose que les dictées.
Nous avions constaté à l'école que les enfants avançaient beaucoup plus vite et mieux dans leurs dictées muettes qu'on les incitait à l'écriture spontanée et qu'on leur permettait également de travailler à deux.

III Dictées et Lecture


Si on lit la préface d'Hélène Lubienska, on se rend compte qu'elle l'envisage vraiment comme un matériel qui va amener à la lecture. Elle écrit: "On ne se hâtera pas de le faire lire. On attendra patiemment, fût-ce jusqu'au troisième trimestre, que l'enfant découvre de lui-même qu'il sait lire."

Hélène Lubienska s'appuie notamment sur le fait que Maria Montessori recommande de ne pas faire lire de syllabe (alors que cela est proposé dans une version de la pédagogie scientifique). Il est vrai que lorsque l'enfant réalise seul la découverte du fonctionnement de l'écriture, c'est un moment extraordinaire qui met en marche une frénésie de lecture incroyable.

Actuellement, sous l'influence de l'AMI on propose la lecture beaucoup plus tôt. Dans ma formation, on disait que l'enfant serait prêt à lire vers la 10ème dictée muette. Dans les faits, j'ai toujours vu les enfants prêts à lire plus tôt, notamment parce qu'ils ne pratiquaient pas la dictée de manière forcenée.

On pourrait penser qu'on ne montre pas les graphies complexes tant que l'enfant n'est pas arrivé aux dictées qui les concerne. Mais il y a un écart entre le travail des dictées et ce que l'enfant mémorise pour le travail de l'écriture spontanée et pour ses propre capacités de lecture. C'est à nous de suivre l'enfant. Pour autant, je ne crois pas qu'il soit judicieux de sauter l'une des 10 premières dictées car elles sont importantes pour apprendre à bien décomposer, y compris les les doubles consonnes, puis re-coder.

On utilisera donc très souplement les dictées, en veillant à ne pas en dégoûter les enfants mais en la proposant régulièrement, éventuellement avec l'aide d'un autre enfant ou en proposant de rester près de lui en contexte IEF si l'on sent que l'enfant en a besoin pour se motiver.
Sur les nombreuses photos que nous prenions à l'école (à la demande des enfants) à la fin de leur travail, les sourires de fierté des enfants sont éloquents. Ce travail leur paraît parfois difficile, mais ils en sont fiers. N'hésitons pas à leur dire que c'est difficile et à les aider à se réjouir de leur réussite.

IV La progression du matériel


Voyons maintenant comment Hélène Lubienska a organisé sa progression.

Les 10 premières dictées s'organisent selon une progression très rigoureuse qui permettront à l'enfant de bien lire par la suite. Il est important de les prendre dans l'ordre.

La 1ère dictée comporte uniquement des mots courts et totalement phonétiques, c'est à dire sans "e" final que les enfants n'entendent généralement pas. (as, os, sac, lac, bac, col, bol, cor, roc
Le fait de prendre des mots d'une seule syllabe permet à l'enfant de ne pas se perdre dans la longueur du mot.
Notons que cette dictée permet d'intégrer le fait que les sons du o ouvert et du o fermé sont codés par une seule et même lettre. Certains enfants auront du mal en effet à trouver la lettre qui code le 2ème son de "bol" ou de "col", "roc" et "cor" car ils entendent un son différent du o fermé qu'on a donné lors de l'apprentissage des lettres rugueuses. Ils attendent donc une signe différent. D'autres assimilent le o ouvert à un "a", ce qui est assez logique puisque le o ouvert se rapproche plus du a que du o fermé dans son point d'articulation.
Il faudra donc expliquer à l'enfant que c'est la lettre "o" qui code ce son.
Il n'y aura en général pas de point orthographique à souligner à moins que l'enfant ait un prénom qui commence par un "k". Il se pourrait alors qu'il ait envie d'écrire bak, kor, lak....en utilisant la lettre si chère de son prénom. Il suffira d'expliquer à l'enfant: "quand tu entends "k", tu prends cette lettre (montrez le c). Le "k" de ton prénom, on ne l'utilise presque pas, sauf pour des mots qui nous viennent de très loin comme le "koala" d'Australie ou le "kimono" du Japon.
Les autres enfants commenceront les dictées sans connaître le k, il n'y aura donc pas de problème.
(Pour savoir comment corriger les dictées muettes, je vous renvoie à cet ancien article.)

La 2ème dictée comporte une autre série de mots courts phonétiques autour de la voyelle "i" (pic, if, lis, vis) mais aussi des mots dans lesquels le sont "è" est codé par la lettre "e" (sel, mer, bec, fer,ver).
Pour Hélène Lubienska, il était très important que l'enfant apprenne très vite que la lettre "e" codait "è" dès qu'elle se trouvait dans une syllabe terminée par un son consonne (on appelle cela une syllabe fermée).
Nous avons néanmoins fait le choix de déplacer cette dictée en n°6 pour ne pas embrouiller les enfants avec cette règle un peu délicate.

La 3ème dictée (2ème dans notre progression) comporte des mots toujours exclusivement phonétiques mais plus longs (canal, canari, bocal, canif, amiral, domino, iris, lavabo, parasol). Elle implique que l'enfant se concentre bien pour ne pas se perdre dans le mot. A ce moment-là de l'apprentissage, si l'enfant a du mal, on peut juste montrer qu'un mot comme "canari" peut s'écrire en le décomposant en "ca", "na" puis "ri". La notion de syllabe vient en général très naturellement aux enfants pour cet exercice.

La 4ème dictée (3ème dans notre progression) comporte des mots avec le signe "é" (épi, bébé, canapé, écu, vélo, café, pavé, dé) et curieusement le mot "mur".

La 5ème dictée (4ème dans notre progression) comporte des mots courts avec un "e" final (cube, lune, lame, lime, pipe, sole, cube, robe, cuve) . C'est la première fois que nous serons obligés d'indiquer une règle orthographique à l'enfant: "à la fin de tous ces mots, tu vas mettre un "e" pour bien faire chanter la consonne qui tu entends en dernier". Si l'enfant oublie des e dans son travaille, nous devrons lui rappeler la règle de cette dictée et il devra les ajouter.

La 6ème dictée (5ème dans notre progression) comprend des mots avec un e final mais un peu plus longs (carafe, cabane, banane, ovale, épine, bobine, salade, tulipe, tomate)

La 7ème dictée (7ème également dans notre progression puisque la dictée 2 sera la dictée 6 dans notre progression) comporte des mots courts, sans e final mais comporte 2 consonnes à la suite (arc, parc, blé, pré, clé, castor, cabri, cactus, établi).

La 8ème dictée comporte des mots avec 2 consonnes à la suite et e final (carte, corde, porte, borne, merle, table, plume, palme, carpe)

La 9ème dictée est comme la 8ème avec des mots un peu plus longs (sucre, sabre, cadre,livre, crabe, cravate, pupitre, crocodile  et un mot très difficile puisqu'avec 3 consonnes à la suite que les enfants ont parfois du mal à identifier car ils le prononcent souvent mal, c'est "arbre" (ils disent souvent "arbe" ).

Enfin, la 10ème dictée aborde le véritable e muet, celui qu'on n'entend absolument pas car il ne fait chanter aucune consonne, étant placé derrière un i ou un u (rue, tortue, statue, morue, pie, ortie, momie, parapluie, panoplie).

Après cette série, les dictées abordent les graphies complexes les plus fréquentes:
11: è
12: ch
13: g dur (tigre)
14 et 15: ou
16: on
17: eu
18: an
19: in
20: oi
21: g doux (girafe)
22: au et j
23 c doux (cigale)
24: qu
25: ai
26: ille
27: s=z
28 et 29: eau
30: gn

Hélène Lubienska de Lenval arrêtait là sa progression pour la 11ème (CP)

Les dictée suivantes terminent d'aborder les difficultés liées à la lecture ainsi que quelques règles orthographiques (h en début de mot, k...):
31: ph
32: k
33: y = i
34: y = 2 sons (i et y)
35: z et x
36: t = s (tion)
37 et 38: h à l'initiale
39: ch = k (chorale) + -um (aquarium)
40: finale -ien

A partir de la dictée 41, les notions travaillées sont de plus en plus orthographiques
41: gu (figue)
42: ge (plongeon)
43: en (tente)
44: ç
45: m devant m,b,p
46: mot masculins terminés par le son y (soleil)
47: nn et mm (pomme
48: ss (brosse)
49: ain/ein (pain)
50: rr (perruche)
51: ll (pelle)
52: tt (patte)
53 mots en -ier/-er (tablier)
54: mots en -d (nid)
55: mots en -t (rat)
56: noms féminins en -ée (fumée)
57: z et x finaux (riz, houx)
58: c et g finaux (porc, hareng)
59: s et p finaux (radis, drap)
60 aon et oin (paon, foin)
61: ei/ sc (reine, scie)
62: œ et ï (bœuf, maïs)
63: â (âne)
64: ê (crêpe)
65: ô et î (dôme,
66: û, aî, oî, oê, oû (bûche, traîneau, boîte, poêle, voûte)

En pratique, dans la classe, les 30 premières dictées muettes étaient les plus travaillées et les enfants de 3-6 n'arrivaient guère après la 25ème.
En fonction des enfants, ils continuaient parfois les dictées en 6-12, mais j'avais plutôt d'autres outils pour travailler les difficultés orthographiques présentées. Je proposais de temps à autre à un enfant de prendre l'une des dernières dictées pour mémoriser l'orthographe de certains mots mais je ne crois pas que ce soit l'outil le plus efficace.

Pauline et son amie travaillent la dictée de -en (n°43) sur cahier en 6-12


Pour conclure, je dirai que les 10 premières dictées sont vraiment très importantes. Les 20 suivantes vont beaucoup aider à fixer la plupart des graphies complexes les plus courantes. Elles sont donc les plus utiles. On peut plus facilement se passer des 36 dernières, d'autant que les enfants de 6-12 ont plus de difficulté à accrocher à ce travail (mais cela dépend des tempéraments, il n'est que de voir cette photo d'une enfant de 8 ans qui a fait des dictées très régulièrement...).




Si vous êtes intéressés par la liste complète de toutes les dictées, je vous proposer de partager un petit fichier fabriqué par mon amie Clémence qui est un cahier de dictée muettes (cliquez sur le lien).
Il permet à l'enfant de cocher les mots qu'il a écrit à chaque fois qu'il prend une dictée (car il ne faut pas obliger l'enfant à écrire les 9 mots sous peine de le décourager de ce travail. Ne pas demander plus de 3 mots permet d'obtenir bien plus souvent des enfants qui vont faire, 6, 7, 8 ou même les 9 mots spontanément alors qu'ils se dégoûtent si on leur demande de faire les 9 mots systématiquement.)
Vous trouverez dans ce cahier la liste des mots de chaque dictées.

Je vous signale également un travail de très bonne qualité que Nathalie Loustic vient de réaliser. Elle propose des dictées de 5 à 6 mots dans une progression plus progressive encore que celle d'Hélène Lubienska de Lenval.

Vous pouvez voir les dictées de Nathalie sur son site.


Pour l'instant, ce qu'elle a fait reprend la progression des 10 premières dictées, les plus indispensables. Je trouve son matériel très joli. N'hésitez pas à l'utiliser vous aussi et venez partager ici vos expériences avec les dictées muettes.

EDIT DU 22/12/20

Dans cet article, tout en insistant sur l'importance de l'écriture spontanée, je gardais encore les premières dictées muettes comme outils d'encodage pour aider les enfants. Depuis, à force d'observation, d'expérimentations et d'échanges, mon avis a changé. L'opportunité de rencontrer Christian Maréchal en mai 2017 lors d'une conférence qu'il avait donnée au sujet de l'apprentissage de la lecture en 3-6 ans a achevé de me convaincre.

En formation comme avec les enfants, je n'utilise plus les dictées muettes pour les enfants de 3-6 ans. Leur progression trop rigide ne colle pas avec la structure d'apprentissage des enfants et qui souvent les bloque ou les dégoûte de l'écriture spontanée. 

Quand l'enfant découvre qu'il peut coder ce qu'il a en lui, il a vite envie de coder tout ce qui lui passe par la tête, sans notion de progression normée. Il va donc coder très vite des mots en utilisant des digrammes, sans attendre une quelconque progression. Par ailleurs, une fois que l'enfant a compris la fonction de communication de l'écrit, il ne se contente plus de mots mais de phrases entières.

Demander aux enfants de passer par la progression des dictées muettes l'oblige donc à suivre un chemin imaginé par l'adulte et très progressif alors que lui fonctionne avec une progression de type "explosif" (Maria Montessori parle d'explosion de l'écriture pour désigner le moment où l'enfant entre tout à coup dans la lecture et se met à la pratiquer beaucoup, avec des progrès très rapides.). Ce chemin prévu par l'adulte reste par ailleurs très artificiel puisque l'enfant ne code qu'un mot à la fois quand il a soif d'encoder un message entier.

 

"J'ai ramassé des cerises avec ma petite cousine Marie."

 

Supprimer totalement les dictées muettes s'est avéré très intéressant. Les enfants pratiquent l'encodage avec plus de joie et d'enthousiasme et progressent plus vite. Ce constat a été partagé par toutes les personnes que je connais qui ont pratiqué les dictées muettes puis les ont supprimées. Nous avons noté des enfants qui entrent plus vite dans la lecture et qui progressent plus vite.

Pour les enfants qui peinent à trouver des sujets d'encodage, discuter avec eux de ce qu'ils aiment, de ce qu'ils ont fait...

 

On peut aussi avec des paniers de petits objets. Très souvent, dans la classe, on a une thématique culturelle pendant quelques semaines avec toute la classe. Cela permet souvent aux enfants de trouver des idées de mots et de phrases à encoder. Par exemple, une année, nous avions une thématique "océan" dans une classe où je travaillais avec une corbeille de figurines et une corbeilles d'objets ramassés sur une plage. Ces corbeilles ont servi de déclencheur pour l'écriture spontanée des enfants.

Le travail orthographique qui s'instaurait avec ce matériel sera aussi impulsé mais par le biais des pochettes de lecture pour lesquelles nous inciterons les enfants à prendre quelques images (ou toutes s'ils le souhaitent) et à écrire les mots avec l'alphabet mobile puis à se corriger avec le ticket de lecture. Ainsi l'enfant prendra conscience qu'il y a une certaine manière d'écrire les mots (le deuxième "k" de coq s'écrit avec "q", celui de koala avec "k"....), qu'il a des "e" qui font sonner les consonnes à la fin de beaucoup de mots (robe, lune, tomate...) et qu'il y a même des lettres muettes qu'on n'entend pas du tout (lit, pot, tapis, radis, renard...). Tout un travail qui se poursuivra avec les pochettes d'homophonies mais qui aura déjà été mis en place, un peu comme avec les dictées muettes mais avec beaucoup plus de souplesse.

Je garde tout de même les premières dictées muettes.... pour les 6-12 ans. Je conseille l'excellent travail de Ti Loustics pour les enfants de CP qui entrent dans l'écrit. Les enfants de cet âge veulent lire avant d'encoder mais il faut qu'ils apprennent à encoder et cette fois, l'exigence orthographique sera plus importante plus vite. Les dictées muettes seront donc un bon outil à proposer à ce moment-là, en soutien de la découverte de la lecture, et passeront généralement bien surtout avec les séries de Ti Loustics qui n'ont que  images.

11 commentaires:

  1. Super cet article tombe à pic ici car la Minette avance dans ses dictées et Moyen aurait besoin de les reprendre mais comme il a 9 ans je ne sais pas si c'est judicieux... Il écrit encore en phonétique et sans détacher ses mots... Si tu as du temps pour des conseils, tu connais le numéro 😉

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  2. Merci pour cet article très complet !
    Nous avons aussi vécu chez nous (IEF) la grande joie de l'enfant qui découvre qu'il sait lire ! Un moment merveilleux, surtout quand il est spontané.

    Ma deuxième est en plein dans les dictées muettes et prend systématiquement une photo ;-)

    Je n'ai fait que les 15 premières (et encore, à ma sauce), je passe ensuite aux "pochettes bleues des phonèmes", approfondies toutefois avec l'alphabet mobile 2.

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  3. Nous sommes en plein dedans ! Nous avons sauté la deuxième et allons bientôt passé à la 4è (enfin 3è). Nous ne travaillons pas de manière acharnée mais ma grande écrit très peu de mots en écriture spontanée... Nous avons tout de même vu 6 phonèmes simples dont le ch aujourd'hui qui fut assez drôle puisque c'est un son qu'elle n'arrive toujours pas à prononcer !
    D'ailleurs je me demandais si les enfants retenaient les phonèmes simples grâce à l'écriture spontanée ou grâce aux dictées muettes ?
    Servane

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  4. J'adapte et utilise les dictées muettes depuis des années et elles sont très utiles aux petits que j'accompagne. Succès plus ou moins grand en fonction de l'enfant :)
    Bonne journée !

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  5. Bonjour Marie-Hélène. Merci pour cet article fort intéressant.
    Je me permets de vous soumettre une question complémentaire. Quel est le principe de présentation du matériel des dictées muettes ? Tant que l'enfant n'est pas lecteur on utilise seulement les images, puis on ajoute les tickets de lecture quand il devient lecteur?
    Merci. Celine

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    1. Bonjour Céline,
      Je viens seulement de voir votre message qui s'était glissé dans les spams...
      Oui, le principe est bien celui-là: tant que l'enfant n'est pas lecteur, il utilise les images seules et c'est l'adulte qui assure le contrôle en disant "je lis "cube", est-ce que c'est bien ce que tu as voulu écrire?"
      Le ticket de lecture ne sert que lorsque l'enfant est lecteur.

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  6. Merci pour votre confirmation. A bientôt, Céline

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  7. Juste une précision Marie-Hélène, le matériel rose bleu et vert n'est pas un matériel utilisé par l'AMI, c'est le pendant anglo-saxon de l'appropriation du matériel de MM à la langue anglaise, cette dernière, comme la langue française, n'étant que partiellement phonétique, ne permet pas non plus de reprendre un matériel plaqué sur la progression en italien :-). On pourrait presque dire que c'est finalement un équivalent aux dictées muettes.
    Ce matériel rose, bleu et vert est d'une très grande richesse, on peut en discuter si tu veux :-) et je le trouve plus adapté à l'entrée dans le code que les dictées muettes que je trouve plus pertinentes en élémentaire, pour un premier ancrage de l'orthographe. Bonne soirée.
    Valérie Maëstre

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    1. Oui, l'ISMM n'utilise pas ces boîtes en effet. J'avais des boîtes roses, bleues et vertes à l'école et ma position du moment est plutôt à une version plus "light" en matériel, tout en ayant du matériel à disposition en cas de difficulté à surmonter.
      Comme toi, je trouve les dictées muettes plus pertinentes en début d'élémentaire, à condition de ne pas trop les systématiser et d'en avoir seulement quelques unes (à cet égard, j'aime beaucoup celles de Nathalie Loustic). Je préfère une autre approche pour l'orthographe.

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  8. Bonjour,
    Je vous remercie de ce nouveau partage qui me sera très utile pour fabriquer le matériel et l'utiliser avec mes deux plus jeunes filles de 7 et 4 ans.
    Mes deux grands de 12 et 10 ans ont encore besoin de travailler l'orthographe. Ils l'ont notamment travaillé à l'école avec les mots de l'échelle orthographique Dubois Buyse ou "J'entends, je vois, j'écris" de Claude Picot ou "Je mémorise… et je sais écrire des mots" de Françoise Picot suivant les enseignants et les années scolaires. J'aimerais pouvoir les accompagner à la maison dans cet apprentissage de façon différente. Pourriez-vous développer l'autre approche de vous utilisez avec les plus grands dans un prochain post de votre blog "Montessori avec les 6-12 ans" ? Merci par avance.

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    1. Bonjour Francine,
      J'essaye de parler très bientôt de l'orthographe en 6-12 dès que l'organisation des formations me laisse un peu de temps...

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