Le contenu de ce blog est le reflet de mon cheminement dans la pratique de la pédagogie Montessori et n'engage que moi.
Il ne saurait se substituer à une formation de qualité.
Toutes les photos et les textes sont ma propriété. Nul n'est autorisé à les utiliser sans mon autorisation expresse.

jeudi 29 septembre 2016

Pourquoi je ne vous recommande pas "les petits Montessori".

Voilà un moment que Sylvie d'Esclaibes a fait son trou sur le net dans le monde montessorien. D'abord présente sur un simple blog relayant son expérience dans son école, elle s'est faite de plus en plus présente en lançant son organisme de formation, en parrainant de nouvelles écoles et maintenant en écrivant un livre sur son expérience et 4 petits cahiers aux éditions "La librairie des écoles".



Au moment de leur sortie, moult blogueuses ont reçu leurs exemplaires et les critiques ont été quasi unanimes (je n'ai moi-même trouvé qu'un seul blog qui n'adhérait pas vraiment).
N'étant plus directement concernée, j'ai commencé par me désintéresser des dits cahiers puis je me suis dit que si je voulais que le blog 3-6 demeure vivant, parler un peu des nouveautés 3-6 ans pourrait s'avérer utile.

J'ai donc pris le temps de les feuilleter longuement en librairie. C'est vrai que l'objet est joli, un petit format agréable, des illustrations toutes mignonnes, une couverture au toucher très agréable... J'en ai même acheté 2 pour retrouver plus facilement tout ce qui m'est venu à l'esprit en les feuilletant.
Voici donc listées ci-dessous les raisons pour lesquelles je ne vous conseille pas de vous lancer dans cet achat, même si ces cahiers sont effectivement vendus plutôt à prix doux (6,60€)

Mais pourquoi diable des cahiers?

La première objection qui me vient, c'est le concept même de cahier en pédagogie Montessori, et 3-6 ans, en plus. Sylvie d'Esclaibes doit bien savoir que le coeur même de la pédagogie Montessori, c'est la manipulation. Or on ne manipule pas avec un cahier.

D'ailleurs, elle le sait bien puisqu'elle nous dit en introduction: "Ces cahiers ne suffisent pas: les enfants de 3 à 7 ans, à qui ils sont destinés, ont besoin par ailleurs de manipuler, de sentir, d'explorer le monde par eux-mêmes. Le matériel sensoriel conçu par Maria Montessori est un élément essentiel de l'efficacité de sa pédagogie, et la collection Les petits Montessori n'a pas la prétention de s'y substituer."
Bien. Pourquoi vouloir faire ces cahiers, alors? Quel intérêt?  D'autant qu'un peu plus haut, elle nous dit que ces cahiers "servent de point de départ à la découverte des points fondamentaux de la pédagogie de Maria Montessori." Mais pourquoi un cahier comme point de départ?

Autant que possible, il nous faut trouver des supports concrets pour commencer, donc l'image (ce que l'on trouve dans ces cahiers), ne vient qu'en second temps.
Les objets concrets, que l'enfant peut toucher, manipuler, présentent également l'avantage d'offrir des possibilités d'activité quasiment illimitées et de satisfaire le besoin de répétition de l'enfant que ces cahiers n'offrent pas vraiment: le nombre d'exercices est très limité et ne remplace pas la variété que l'on obtient avec des objets et figurines.
Ces cahiers présentent donc des images (jolies), mais aussi beaucoup d'écrit. Pour le cahier "j'écoute les sons" qui reprend le jeu "je devine", l'enfant est constamment mis devant l'image de la lettre qui code le son. C'est vraiment dommage! Dans ce jeu, l'important, c'est de se focaliser sur le son pur sans référence à un symbole écrit. Ça viendra plus tard. Du coup, la différence entre "j'écoute les sons" (qui devrait être purement oral) et "j'associe les lettres aux sons" n'est pas assez nette.

Avoir un cahier, cela suppose d'avoir un crayon. Or, la main de l'enfant n'est pas prête au début du processus. La plupart des cahiers suppose que l'enfant entoure et relie des objets, donc trace des traits obliques. Soit l'enfant fait un effort pour obtenir des beaux traits propres et entraîne sa main pour un exercice contraire à l'écriture, soit on le laisse relier avec des traits très malhabiles, donc un cahier qui ne sera pas joli. Dommage!
Et que dire de l'idée ultra scolaire d'avoir un cahier? Cela me semble aller tellement aux antipodes de cette pédagogie! Quand on dit "cahier", on pense "programme". Un programme décidé à l'avance par l'adulte avec un certain nombre d'exercices pour chaque étape alors que c'est l'enfant qui fabrique lui-même son propre parcours à partir de ce que nous lui montrons et qui va y passer plus ou moins de temps. Bien sûr, dans l'introduction de chaque livre, Sylvie d'Esclaibes parle de liberté et de plaisir de l'enfant et du fait que chaque enfant est différent qu'il faut respecter l'enfant qui se désintéresse d'une activité et prolonger les activités auxquels il se montre sensible. Il n'empêche que le format en cahier risque d'inciter le parent peu habitué à cette pédagogie à pousser son enfant à aller au bout du cahier qu'il aura acheté. Et certains parents séduits par le côté "tout prêt" du cahier risquent d'avoir de la difficulté à prolonger les activités.

Enfin, je suis dubitative sur l'organisation même des cahiers qui mélange à la fois (bonnes) suggestions d'activités, (bons) conseils aux parents, citations de Maria Montessori (un peu aléatoires) et exercices proprement dits, le tout parfois sur une même page.

Voyons maintenant chaque cahier individuellement.



J'écoute les sons: l'écueil du cahier

Sur ce cahier je dirai peu de choses. Le gros défaut, j'en ai déjà parlé: pour cette partie de l'apprentissage, l'utilisation d'images ne me paraît pas la plus judicieuse pour commencer. Il aurait été préférable d'avoir un cahier-guide pour l'adulte lui proposant des idées d'objets et/ou figurines à rassembler et d'exercices à proposer.
Le cahier propose des exercices sensoriels d'écoute (jeux de sons à apparier, fabrication de boites à sons) qui sont très bons en soit. Ce sont les exercices écrits qui me semblent superflus. L'oral suffit.

De plus, le format réduit du cahier ne propose du coup que très peu d'exercices, notamment sur la discrimination du premier son et insiste beaucoup sur le son final ou le son médian.
Comme je l'ai déjà dit, l'écriture des consignes met le symbole graphique sous les yeux de l'enfant trop tôt. De plus, pour bien montrer que l'adulte doit prononcer le son et le tenir elle écrit "aaa"; ou "ttt". De quoi perturber la mémorisation su signe graphique.


Il aurait vraiment été préférable de donner des exemples d'exercices à faire avec des objets, voire des cartes à découper.
Pour les enfants qui ont du mal à entendre certains sons dans les mots, après un temps de travail avec objets, on peut préparer des petits jeux de cartes comme j'en avais parlé dans cet article et comme Aude en avait fabriqué pour notre classe. C'est bien plus concret que le cahier, ça évite le problème du crayon et l'enfant peut s'entraîner autant de fois qu'il le peut, alors que sur le cahier, il n'y a qu'un exercice pour chaque son, pas de possibilité de recommencer pour s'entraîner si un son n'est pas très bien perçu...

Je trace les lettres: toujours le même problème!

Là encore, comme pour l'écoute des sons, je me demande pourquoi faire un cahier pour l'enfant. Un guide pour l'adulte aurait été suffisant.
Sylvie d'Esclaibes conseille de réaliser ou d'acheter des lettres rugueuses, ce qui est une bonne chose. Mais dans le cahier, elle fait suivre le tracé des lettres sur le papier. Quel intérêt?? Si l'enfant a déjà les lettres rugueuses, c'est strictement inutile! De plus, il est dommage que la taille des lettres ne soit pas proportionnelle d'une lettre à l'autre: on a un énorme c et tout petit j. Le même écueil que dans la collection "Balthazar."

Là où je trouve le cahier carrément néfaste, c'est sur la page de droite: celle-ci reprend la lettre montrée à la page de gauche, et cette fois-ci, l'enfant doit tracer au crayon sur la piste représentée par la lettre.


Dans la progression Montessori, l'enfant touche la lettre les yeux fermées sur la lettre rugueuse pour vérifier qu'il a bien intériorisé le chemin de la lettre. Puis il trace dans le sable/la semoule/la farine, enfin, il trace sur une ardoise avec une craie puis avec un crayon.
Dans beaucoup de formations et d'écoles  le premier tracé avec instrument scripteur (craie ou crayon) se réalise à la taille de la lettre rugueuse. Là, c'est clairement une erreur de Maria Montessori.
Mes lectures approfondies de Danièle Dumont, grapho-thérapeute reconnue et dont je vous recommande la lecture, m'ont appris que de faire tracer de trop grandes lettres aux enfants est une erreur. En effet, pour tracer une lettre de 5 cm ou plus de hauteur, l'enfant devra déplacer son poignet en hauteur alors que l'écriture fluide suppose que seuls les doigts se détendent et que le poignet doit juste glisser de gauche à droite sur la feuille.
Donc, quand on passe à la craie ou au crayon, il faut impérativement tout de suite réduire la hauteur du lignage pour ne pas contraindre l'enfant à faire un geste qui n'est pas un geste d'écriture. (J'ai prévu de parler de l'apport de Danièle Dumont dans notre pratique Montessori lors d'un autre billet.)
Ajoutons également que Danièle Dumont recommande de ne pas faire tracer au crayon sur un modèle au risque de provoquer une crispation chez les enfants qui veulent à tout prix respecter le tracé. Or il faut que l'enfant s'habitue à écrire dans un mouvement souple et personnel.
Donc, si on se réfère aux préconisations de Danièle Dumont, l'exercice proposé ici ne va pas du tout dans le bon sens.

Pour terminer ce cahier, je dirai que je trouve mal venus les dessins de main et de crayon au bout de chaque lettre car ils montrent une main et un crayon à l'envers par rapport à ce qu'ils devraient être.



La main est présentée doigts vers le bas, or si nous voulons que le toucher soit bénéfique pour le geste scripteur, nous devons veiller que l'enfant garde toujours son poignet dans le geste scripteur, donc ses doigts au-dessus de son poignet. Le dessin tel qu'il est représenté peut induire l'enfant en erreur, voire l'inciter à terminer son tracé dans la position indiquée par le dessin, la main en torsion. Il en est de même pour le crayon.
Au moins, pour cette série de cahiers, Sylvie d'Esclaibes a renoncé à son idée de faire apprendre à lire et à écrire en script comme elle le pratique dans son école et a adopté la cursive. Peut-être l'influence d'Emmanuelle Opezzo qui a contribué à cette collection?

Bref, un cahier dont je vois vraiment mal l'utilité et qui aurait gagné à être simplement un guide d'activités pour les parents.

J'associe les lettres aux sons: des choix qui m'interrogent.

Dans ce cahier, je ne m'attarderai pas sur le fait que les exercices de la première partie auraient vraiment gagné à être faits avec des objets réels ou même avec des petites cartes comme je l'avais expliqué ici et comme Aude avait également fabriqué un matériel.

Non, je m'interroge sérieusement sur l'ordre dans lequel s'enchaînent les exercices. Les quatre premières lettres sont "s", "p", "c" et"j", pas forcément les plus courantes, le "j" tout particulièrement.
Ensuite, on trouve "l", "b", "t" et "n", là je suis OK, mais les 2 suivantes, soit les 9ème et 10ème lettres étudiées sont le "k" et " x" ! Le "a" et le "m" n'apparaissent qu'en 17ème et 18ème position, bien après le "u", le "d", le "g" le "f" qui sont bien moins usitées...
Les voyelles sont systématiquement montrées en 2ème partie, ce qui est tout de même dommage quand on sait qu'on ne peut pas écrire/lire de mot sans voyelle...

Enfin dernière chose, le "h" est présenté comme "chut!" dans ce cahier. Si le parent n'a pas vu dans le cahier sur les lettres qu'on met le doigt sur la bouche sans faire de son, il risque de dire "chut!" à son enfant.

Dans la suite du cahier, l'enfant relie des images à la lettre qui débute le mot (dans l'exercice 2: j, q, i, w, x, o! encore un choix qui m'interroge...) puis doit écrire la première lettre du mot, donc cela suppose qu'il se débrouille avec le geste d'écrire. Pas toujours évident. Et dans un troisième temps, colorier de la même couleur l'objet et la lettre qui débute. Il aurait mieux valu intervertir les 2 exercices, écrire les lettres étant plus difficile que de colorier les paires...
La même séquence reprend avec le son final et le son médian.

La où je trouve les exercices vraiment très difficiles, c'est lorsque l'enfant doit écrire la lettre manquante au milieu d'un mot alors que l'enfant n'a pas l'image du mot qu'il doit écrire (il l'aura, mais seulement au 2ème exercice, cherchez l'erreur).

L'exercice de la page de droite est incontestablement plus facile est aurait dû venir en 1er temps...

Alors, je vais vous dire, même pour moi, trouver qu'il faut ajouter un "k" à s-i, ça m'a pris un peu de temps, et c'est le premier mot à trouver! Et le fait que les lettres à ajouter se trouvent dans une ellipse au milieu n'est que de peu d'aide. D'autant qu'un enfant peut très bien ne pas connaître ce mot. Pauline (9 ans) , à qui j'ai montré l'exercice, n'a pas trouvé...

Dans un autre exercice, l'enfant doit associer un mot complet, comme ski (décidément) à son image après avoir entouré la lettre qui se trouve au milieu du mot. Là je me demande: est-ce que l'enfant lit? (dans ce cas, OK, tout va bien, mais on est déjà dans " je lis mes premiers mots") Ou est-ce qu'il relie le mot uniquement parce qu'il voit dans le mot la lettre qu'il entend? (Dans ce cas, je trouve la démarche tordue et proche de la devinette).

Le dernier exercice de ce cahier me semble totalement hors-sujet.

au passage, la citation de Maria Montessori, pour intéressante qu'elle soit, n'a vraiment rien à voir avec l'exercice...
 L'enfant est censé compléter des mots dans une phrase à l'aide de l'image pour que l'enfant lui lise l'histoire. C'est typiquement le genre d'exercice qui nécessite une grande guidance de l'adulte et je n'en vois pas trop l'intérêt si l'enfant ne sait pas déjà lire.

Le cahier se termine par une description de la leçon en 3 temps autour des lettres rugueuses qui laisse à penser que tous les enfants vont passer au 3ème temps en un jour (vous pouvez retrouver le déroulé de la leçon dans ce billet).
Puis il y a des cartes découper pour des jeux de son. Ces jeux sont intéressants. Dommage que les cartes soient imprimées sur le même papier que le cahier (donc peu épais et peu maniable) dans un format très petit et que le très faible nombre de cartes ne permette pas beaucoup de variété.

Je lis mes premiers mots: le meilleur de la série

Comme les autres, il n'est pas exempt de défauts, mais c'est celui dans lequel je retrouve le mieux la progression montessorienne. Et comme il s'agit de lire, le support papier est moins problématique.

Il n'empêche qu'avant de lire, l'enfant écrit, enfin, plutôt, il compose des mots à l'aide de lettres mobiles. En pages 8 et 9, on nous explique comment utiliser un alphabet mobile. Mais en pages 6 et 7 on a incité l'enfant à écrire (au crayon, donc) des petits mots de 2 et 3 lettres. Dommage! Les gros cahiers de Balthazar font beaucoup mieux en proposant des lettres mobiles. Là, si le parent ne fait pas l'effort d'avoir un alphabet mobile, l'enfant arrive directement dans l'écriture sans passer par la composition.
Les tirets sous les mots peuvent s'apparenter une forme d'auto-correction. Je vois surtout que l'enfant qui va vouloir écrire va détacher les lettres alors qu'il est important de montrer à l'enfant, lorsqu'il écrit ses premiers mots, comment les lettres s'attachent dans un mouvement ininterrompu. C'est sans doute un reste de l'habitude de faire écrire l'enfant en script.


Le temps d'écriture/composition est très peu développé et on passe très vite à des exercices de lecture.


Le lecteur n'est pas informé que certains enfants vont passer beaucoup de temps à composer, même des mots difficile avant de lire. L'étape du déchiffrement arrive très vite et sa mise en place avec l'adulte est peu explicitée. Par ailleurs, le fait de mettre "bec" et "sel" dans la 1ère liste est contestable puisque la lettre "e" fait ici "è"


Le cahier présente ensuite des listes de mots comme dans la série rose. C'est une bonne chose. On se demande juste pourquoi on trouve encore ce fameux mot "ski" comme 1er mot de la 1er liste...
Par ailleurs, il est proposé aux parents de réaliser des listes roses et bleues de mots à lire. Or le livre regorge de ces listes. N'aurait-il pas été mieux de les imprimer sur papier épais pour qu'on puisse les découper et plastifier directement?
Ces listes sont plutôt bien faites. Mais visiblement, c'est le concept "cahier" qui a primé sur celui d'un matériel manipulable...



L'activité suivante est une activité que j'aime beaucoup et qui est vraiment intéressante. L'enfant lit une phrase et choisit l'image qui représente le mieux ce qu'il a compris. Là encore, c'est vraiment dommage d'être sur support cahier quand il aurait été simple de faire des bandes à plastifier et des images que l'enfant aurait placées dans le cadre. Cela aurait rendu l'activité indépendante du crayon et réutilisable...

Attention toutefois, la lecture de phrase n'est pas toujours accessible après le déchiffrage des mots de 2 et 3 lettres. Des enfants ont besoin de devenir experts en lecture de mots plus longs avant de déchiffrer une phrase entière et d'en comprendre le sens car cela demande une mémoire de travail suffisamment développée. Autre difficulté: les majuscules que l'enfant n'a peut-être pas vues.



Au centre du cahier, les feuillets p31 à 34 semblent être à détacher et expliquent comment fabriquer son alphabet mobile. Je pense que la relecture des épreuves a dû être un peu légère puisque la p31 doit être lue avant la page 34. D'autre part, si vous regardez attentivement la page 31, vous verrez un schéma de la boîte des lettres qui présente une ligne de lettres rangées à l'horizontale!
Heureusement, la double page 32-33 répare cette erreur, mais du coup, l'ordre des lettres n'est plus le même et on a un curieux "é" rose (donc consonne??) qui se ballade. Visiblement, tout cela a été fait trop vite...

La succession des exercices pour les mots de 3 lettres se répète pour les mots de 4 et 5 lettres, sans puis avec "e" muet. Pas grand choses à en dire si ce n'est que le choix des mots des listes me questionne parfois. 1ère liste bleue: "poli" puis "puni", bon...


Dans la liste des mots de 5 lettres, on commence par "tapas" et on a "bémol". je pense que bien peu d'enfants connaissent ces mots. Or il est important au départ que les enfants lisent des mots dont le sens leur est connu. C'est ce que disait Maria Montessori, et c'est ce que les résultats de la recherche actuelle sur le cerveau montrent aussi.

Enfin le plus gros défaut de ça cahier, c'est le dernier exercice qui tombe dans l'écueil le plus courant des manuels de lecture. Certes Sylvie d'Esclaibes est cohérente et ne fait pas lire à l'enfant des mots qu'il ne peut pas lire. Mais, pour fabriquer un texte suffisamment long, on tombe sur une espèce de charabia artificiel.
Tenez par exemple, la première phrase: "La mère de Léa a porté la robe à la perle de nacre doré sur la table à côté du sofa." Quelle expression tarabiscotée! Même bon lecteur, on ne comprend pas tout de suite. L'utilisation du verbe "porter" pour remplacer le verbe "poser" que l'enfant ne peut pas lire est contestable. Je ne serais pas étonnée qu'un enfant comprenne que cette maman à apporté sa robe à une perle, de même que l'on dit "Sophie porte du pain à son cheval".

De même pour éviter d'utiliser des mots trop difficiles, le récit comporte des ellipses: "La pie a vu la perle de nacre doré. La pie vole et garde la perle dans le bec". Outre la répétition du sujet "la pie", peu heureuse, je suis certaine que bien des enfants n'auront pas compris que la pie a pris la perle.
Plus loin on a une phrase surréaliste: "Il (papa) a pris la pie avec une corde verte".
Bref, je ne m'étendrai pas plus sur ce texte. Une blogueuse a dit que son enfant a éprouvé beaucoup de difficultés à le lire. Cela ne m'étonne pas. Ce qui pêche, ce ne sont pas les difficultés de lecture, mais les phrases qui ne font pas suffisamment sens. Un enfant surmonte plus facilement quelques difficulté phonétiques qu'un vide de sens.


Bref, pour conclure, quelques bonnes idées dans ces cahiers, mais un concept cahier qui prend trop le dessus à mon goût. Pour le coup, les coffrets avec des lettres ou des cartes à manipuler des autres maisons d'édition me semblent plus justes dans la démarche.




11 commentaires:

  1. Merci pour ce retour !
    Je serai très intéresée par votre article futur sur Danièle Dumont.

    (en IEF, j'ai vu ma fille aussi suivre le modèle d'un geste très crispé, elle a commencé à écrire avec un geste souple seulement lorsque j'ai abandonné cet exercice...)

    RépondreSupprimer
  2. Merci encore pour ce retour.
    J'avoue avoir été tentée par ces petits cahiers pour ma 3 ans et demi.
    Tu me remets encore une fois sur les rails Montessori et tu me re-motives. Je ne te remercierai jamais assez !

    Pour la taille des premières lettres tracées, j'ai aussi remarqué que mes enfants (les 2 aînés) étaient tout de suite plus à l'aise avec une taille plus petite que celle des lettres rugueuses, et je n'ai jms insisté puisque je voyais qu'ils se débrouillaient mieux en écrivant des lettres plus petites.

    RépondreSupprimer
  3. Comme je suis la formation à la source l'envie d'acheter des trucs en plus s'est envolée. J'apprécie beaucoup cette lecture (très) critique qui permet aux gens de choisir en connaissance de cause. La vulgarisation de Montessori n'est pas si facile !

    Concernant la taille des interlignes, qu'elle serait la taille idéale pour commencer sur le tableau ?
    Servane

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je viens de voir une énorme faute.... Quelle serait c'est beaucoup mieux !

      Supprimer
  4. ah bah trop tard... en ayant vu beaucoup d'articles dithyrambique sur ses cahiers je les ai acheté pour faire plaisir à ma 4 ans qui commence à lire et écrire dans son école montessori... Elle n'a pas du tout accroché avec les exercices. Par exemple celui où il faut relier la lettre "son" avec 2 images qui commencent par ce son l'ont laissé perplexe. Pourquoi une image reste t'elle seule ? J'ai du lui dessiné la lettre-son commençant la troisième image... Idem l'idée de dessiner un troisième objet commençant par cette lettre ne lui a pas parlé. Après en lecture la progression est biensûr trop rapide (et pourtant elle lit et écrit des mots simples avec du matériel plus simple)... Bon pour nous c'est décevant, pas assez riche et parfois "bizarre". j'aurais mieux fait d'acheter un coffret "alphabet mobile" ou de jolies cartes de nomenclature...

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour,
    J'ai l'impression que Sylvie Desclaibes a un réel besoin de reconnaissance. Il y a quelque chose de commercial dans la démarche qui me dérange un peu. De même que pour son livre qui comme par hasard sort en même temps que celui de Céline Alvarez...
    Maintenant, j'ai suivi une formation dans son établissement avec Nurfeta Zejnulahi qui était super car Nurfeta est une personne exceptionnelle. Merci pour vos articles

    RépondreSupprimer
  6. Je désespérais de trouver un article qui écrive ce que je pensais ... je me suis même mis dans le doute en me disant que je devenait trop critique!! Bon ça me rassure ... encore une dérive commerciale de la pédagogie comme on en trouve en ce moment un peu partout!!! Dommage ...

    RépondreSupprimer
  7. Bonjour et merci pour ce retour éclairé !
    Mag69

    RépondreSupprimer
  8. Pour ma part, je n'ai pas voulu faire d'article sur mon blog à partir de ces livres... car je ne les aurais pas recommandés. Merci d'avoir mis des mots et d'avoir analysé avec autant de perspicacité ces livrets qui ne me semblaient rien apporter et qui j'ose le dire... plaisent pourtant à ma non sco de presque 6 ans qui entre tout doucement dans la lecture ! Elle avait besoin d'un carnet, après toutes les activités de manipulation depuis plusieurs années ! alors...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Christèle,
      je conçois parfaitement que les enfants puissent apprécier le cahier. Non, ce qui me dérange, c'est que ces cahiers soient présentés comme un outil montessorien, ce qu'ils ne sont pas vraiment...

      Supprimer
  9. JE DIRAIS LA MÊME CHOSE POUR LES FORMATIONS. Pourquoi je ne recommande pas les formations 6/12 ans de l'école Montessori Athéna de Bailly. Je suis vraiment très déçu par la formation que j'ai suivi qui n'était qu'un enchaînement de présentation de matériel concentré sur 5 jours / 35heures chrono avec assez peu de manipulation finalement et beaucoup d'activités zappées, oubliées et une formatrice sympathique mais pas experte du tout, juste utilisatrice. Je ne pourrais pas faire une liste aussi exhaustive que votre article mais grosso modo je suis assez d'accord avec ce côté commercial et mercantile dûs à la place libre qu'on s'arroge !

    RépondreSupprimer