Le contenu de ce blog est le reflet de mon cheminement dans la pratique de la pédagogie Montessori et n'engage que moi.
Il ne saurait se substituer à une formation de qualité.
Toutes les photos et les textes sont ma propriété. Nul n'est autorisé à les utiliser sans mon autorisation expresse.

mercredi 10 octobre 2018

Démarrer sa classe en pédagogie Montessori



Il y a 2 ans, j'écrivais un long article dans lequel je vous donnais 12 conseils pour démarrer Montessori dans sa classe.
Aujourd'hui, je reviens sur ce sujet quasiment inépuisable. Tout ce que j'ai écrit dans l'article précédent reste d'actualité et vous pouvez le consulter si vous ne l'avez pas déjà fait.
Dans l'article d'aujourd'hui, je vais aborder la partie plus concrète de la mise en place dans la classe, m'appuyant sur mon expérience récente de mise en place de la pédagogie Montessori pour un groupe de 17 enfants.

Quand on se documente sur Montessori, on trouve beaucoup de renseignements sur le fonctionnement d'une classe normalisée. Autrement dit un cadre presque idyllique où les enfants sont autonomes et peuvent passer 2h30 à 3h en activité sans coupure.
Mais quand on démarre avec une classe de 20 ou 30 enfants qui n'ont pas l'habitude de ce fonctionnement, il est illusoire de penser qu'on arrivera à ce qu'on lit dans les livres ou dans les blogs sans un temps d'adaptation.

Vous pouvez avoir une excellente formation, de l'expérience, une superbe classe, spacieuse, lumineuse et toute équipée, si on vous donne un groupe même de 10 enfants et a fortiori de 20 ou 30 enfants, il faut pas espérer pouvoir obtenir un fonctionnement de classe 100% montessorien dès le départ.
Vouloir le faire malgré tout ne peut qu'amener à travailler dans des conditions éprouvantes où adultes comme enfants se sentiront mal. L'adulte peut rapidement être amené à s'énerver, à en vouloir aux enfants ou à douter de lui-même. Le résultat sera bien souvent l'abandon du fonctionnement montessorien avec une grande amertume.

Certaines personnes peuvent laisser penser qu'une connaissance des besoins de l'enfant et de l'amour suffisent à se lancer mais il n'en est rien. Il faut se préparer à une période de transition qui sera de toute façon fatigante mais au terme de laquelle on peut espérer une belle surprise.
Voici donc quelques pistes très concrètes pour se lancer:


1. Garder en tête le 1er objectif: permettre la concentration de l'enfant


Dans le chapitre XXXII du livre "L'Enfant est l'avenir de l'Homme", Maria Montessori est très claire sur le rôle de l'enseignante dans une classe qui débute: elle doit faire en sorte que le phénomène de concentration se produise et le préserver quand il se présente.
Pour cela il faut que l'enfant puisse se mettre en activité avec ses mains, donc lui présenter des activités jusqu'à ce qu'il s'en trouve une première qui attire et retienne son attention.
Idéalement, vous auriez 5 enfants seulement dans la classe à qui vous feriez des présentations, puis 5 autres et encore 5 autres... et cela jusqu'à ce que vous puissiez avoir 10 puis 20 et même 30 enfants tous ensemble dans la même classe ayant tous le choix entre suffisamment d'activités pour se mettre au travail en autonomie.
Dans réalité, vous devez garder votre classe entière, et encore bien beau si vous avez une ATSEM à temps complet et qui comprend ce que vous voulez faire avec ce groupe d'enfants! Tout au plus pouvez-vous tabler sur le temps de la sieste pour commencer avec les plus grands si vous avez la chance d'avoir une classe multi-niveau.

2. Trouvez des moyens pour favoriser l'activité autonome


Nous savons que le cycle de travail de l'enfant devrait pouvoir s'étaler sur une période ininterrompue de 2h30 à 3h. Lorsque la classe est en cours de normalisation, il est difficile de garder les enfants sur un fonctionnement autonome tout ce temps.
Pour autant, commencer par de trop courtes périodes d'activités autonomes n'est pas une bonne solution.
Quand j'ai commencé à travailler sur mon groupe d'enfants, cette, année, l'éducatrice principale, qui a l'habitude de travailler en ateliers prenait un groupe, un adulte en service civique un autre groupe et moi le reste des enfants pour leur faire des présentations. Avec la structure de l'emploi du temps, je disposais de plage de 30 à 45mn maximum pour chaque groupe.
J'ai rapidement remarqué que les enfants, d'abord intéressés par les activités présentées, avaient du mal à s'y remettre. Et si je commençais par les laisser reprendre les activités déjà présentées, je manquais de temps pour avancer.
Le cycle de travail montessorien n'avait aucune chance de pouvoir se développer sur une plage aussi courte.

J'ai alors repensé les activités du temps d'accueil échelonné. Précédemment, les enfants trouvaient des activités mises en avant sur les tables et nous avions un problème avec le rangement ainsi que des enfants qui s'agglutinaient devant certaines activités.
Après ré-organisation des activités, en arrivant, les enfants ont été invités à choisir un objet ou un plateau sur un ensemble d'étagères dédiées: divers puzzles, tri de pompons par couleurs, tri de boutons, perles à enfiler, jeu d'emboitement en bois, jetons à enfiler dans une boite à fente, cure-dents à enfiler dans une boite à épices, découpage, pâte à modeler individuelle, pêche aux bouchons avec un chinois, pêche à la ligne magnétique, lotos sur la thématique du mois, laçage, fruits à couper, briques de construction...




Le résultat a été quasi-immédiat: les enfants ont choisi des activités et nous avons vu des enfants se mettre à travailler de manière plus indépendante. Les activités ont été choisies de telles sorte qu'elles n'aient pas besoin de présentation formelle. Un mot, un geste d'explication suffisent et les enfants se passent facilement la consigne par observation ou en demandant à un autre qui sait.
Il ne restait plus que quelques enfants à gérer plus finement et le travail de rappeler aux enfants qu'ils doivent ranger leur activités avant d'en prendre une autre.

De mon côté, il a été facile de commencer à solliciter des enfants pour leur faire de nouvelles présentations. Petit à petit, les enfants les plus réceptifs ont commencé à lâcher ces activités d'accueil pour revenir du côté des activités Montessori et reprendre ce que je leur avais déjà montré.
D'un seul coup, la classe s'est mise à fonctionner sur un schéma beaucoup plus montessorien, même si, bien sûr, tout était loin d'être parfait. La normalisation prend du temps.

Le mérite de ces activités a été d'attirer l'attention des enfants et de faire en sorte qu'ils se concentrent  grâce à un travail de la main. Peu importe que toutes ces activités ne soient pas des activités Montessori, dès lors qu'elles permettent l'activité intelligente et autonome. Pendant qu'ils se posent sur ces activités, la gestion du groupe devient plus simple, vous pouvez faire vos présentations et leçons et votre classe peut accéder plus vite à la normalisation.
Si vous travaillez dans une école classique, vous devriez pouvoir trouver ce genre d'activités dans les placards de votre école.

Progressivement, vous ferez disparaître une bonne partie de ce matériel (pas les puzzles Montessori ni les tris, évidemment) car une recherche menée aux États-Unis a montré qu'ajouter trop d'activités non-Montessori dans une classe Montessori fait perdre en efficience éducative.

3. Pendant la période de transition, n'hésitez pas à intervenir


Maria Montessori nous répète tellement souvent qu'il ne faut pas intervenir dans le travail de l'enfant et que l'élément fondamental de sa structure de classe est la liberté que l'on peut parfois se sentir réticent à intervenir.

Mais lorsque Maria Montessori nous parle du travail de l'adulte, que ce soit dans "L'Esprit absorbant" ou dans "L'Enfant est l'avenir de l'Homme", elle est très claire sur le fait qu'avant la concentration, l'adulte a à intervenir pour stopper les comportements inadéquats de l'enfant.
Elle écrit ainsi: "Ainsi, l'enseignante doit non seulement éviter d'intervenir lorsqu'un enfant est en pleine concentration, mais elle doit aussi voir à ce qu'il ne se fasse pas déranger par les autres. Faites ce que vous voulez avec le reste de votre classe, l'une ou l'autre des activités que vous avez apprises lors de votre formation ou quoi que ce soit d'autre que vous dicte votre instinct; cela importe peu car ce stade n'est pas crucial. Agissez pour stopper les dérangements. Nul besoin de punir, de gronder, d'admonester un enfant lorsqu'il adopte un mauvais comportement. Nous pouvons tout simplement demander à l'enfant de venir cueillir des fleurs avec nous, lui présenter un jouet ou lui suggérer toute autre occupation qui pourrait représenter un attrait. Ainsi, il est possible que vous ayez à divertir un enfant d'abord, et après quelques temps, un besoin surgira à l'intérieur de l'enfant; il se concentrera sur une tâche et cela marquera le début d'une nouvelle vie pour lui. Cet enfant sera normalisé. (...)
Il est impossible de faire quoi que ce soit avec des enfants désordonnés. Dans une classe remplie d'enfants, vous ne pouvez porter attention à chacun d'eux individuellement. Par contre, vous pouvez leur raconter une histoire, les faire chanter, faire de l'exercice en groupe, déplacer des chaises sans faire de bruit, transporter des verres d'eau sans en renverser... Vous pouvez même faire remarquer aux enfants lesquels d'entre eux réussissent le mieux car, bien que la compétition soit une mauvaise chose en soi, elle n'a aucune répercussion à ce stade de développement. Qui plus est, l'esprit de compétition disparaîtra de toute façon lorsque l'enfant saura se concentrer parce qu'il s'intéressera à son propre travail. (...) Nous pouvons employer n'importe quelle astuce pour attirer l'attention des enfants, suscitée principalement par l'activité. Proposez-leur des activités, attirez-les par la gentillesse. La méthode de l'amour aussi est pertinente, pourvu que vous connaissiez bien votre objectif. (...) Vous êtes le plus aidant lorsque vous comprenez bien cette idée, et que vous offrez aux enfants des exercices qui favorisent le contrôle. Donnez-leur à faire quoi que ce soit qui suscite un intérêt immédiat."

Je trouve ce passage très éclairant. Il nous donne les clés pour savoir comment intervenir lorsque nous mettons en place une classe Montessori. Il nous déculpabilise de ne pas fonctionner directement avec 100% d'activités Montessori. C'est justement ce qu'il nous faut faire!

4. Ne faites pas de regroupement en début de matinée.


Même si, à l'école d'Angers, ma collègue a fonctionné avec un regroupement à 9h (après arrivée échelonnée des enfants entre 8h30 et 9h) et un autre à 11h30, il est plus facile de prévoir son regroupement à 11h30, surtout tant que la classe n'est pas complètement normalisée.
Le regroupement coupe les enfants dans leur cycle de travail et on constate qu'il est difficile pour eux de retourner au travail.
Cette année, dans un premier temps, l'éducatrice principale a simplement repoussé le temps de regroupement avant de repartir sur du travail autonome ou en ateliers. Quand nous avons repoussé le regroupement en fin de matinée, nous en avons fini avec la difficulté de remettre les enfants au travail après le temps collectifs.
En arrivant dans la classe, ils prennent le plus souvent facilement un travail puis continuent sur leur lancée. Vers 10h, nous constatons le phénomène de la "fausse fatigue" et un vingtaine de minutes plus tard, la plupart des enfants sont repartis dans un travail.
Pour certains enfants, nous proposons une activité qui engage la motricité générale ou la lecture d'une histoire ou un atelier plus dirigé.

5. N'oubliez pas d'observer et de noter

On le sait que le travail de l'adulte, en Montessori, s'appuie sur l'observation. Mais quand je discute avec des enseignants, tous ou presque disent: "Oui, je sais qu'il faudrait que je le fasse, mais je ne le fais pas."
C'est une erreur! Prenez le temps d'observer, même quand tout semble aller mal dans votre classe. Si vous attendez que tout soit calme, il se pourrait bien que vous n'observiez jamais!
Quand vous vous sentez irritée par ce qui se passe dans votre classe, c'est justement le moment de ne pas se précipiter. La plupart du temps, il n'y a pas de véritable urgence. Tant que l'intégrité physique des enfants n'est pas menacée, il n'y a pas d'urgence! (Et se mouiller n'est pas une menace à l'intégrité physique). Prenez au contraire le temps d'observer ce qui se passe:
- Combien d'enfants sont au travail?
- Combien d'enfants sont en observation?
- Combien d'enfants sont en interaction sociale maîtrisée?
- Que font exactement les enfants dont le comportement ne vous convient pas? Qu'est-ce que ce comportement peut vous dire sur le besoin et l'avancement des enfants? Est-ce que ce comportement n'est pas juste dû au fait que l'enfant en a fini avec ce matériel mais que son cerveau n'arrive pas à passer à autre chose (cas courant, surtout chez les 4 ans qui travaillent à 2. Après une phase constructive, ils utilisent le matériel n'importe comment. Il suffit de leur dire qu'ils ont bien travaillé avec le matériel et qu'il est temps de passer à autre chose. Le plus souvent, ça suffit.)

Prendre le temps de réfléchir avant d'intervenir vous permettra d'apporter une réponse plus juste, moins dans la réaction. Cela vous laissera le temps de proposer quelque chose à l'enfant plutôt que d'être dans l'admonestation qui ne sert à rien et finit par être contreproductive.
Ayez toujours en tête que les enfants sont d'autant plus réceptifs que vous leur laissez du choix. Ainsi, à l'enfant auquel vous demandez de ranger un matériel, demandez-lui s'il veut que vous lui rappeliez où il se range ou s'il a besoin d'aide, ou s'il préfère commencer par ceci ou cela... Cette manière ouverte permet une plus grand coopération de l'enfant qui prend l'habitude d'obéir.

Dans votre observation, efforcez-vous de repérer les petits détails positifs, les petites choses qui vous montrent qu'un enfant est sur la voie du progrès et qui vont vous mettre du baume au cœur et vous encourager sur votre chemin. C'est votre auto-contrôle!
Un exemple: les enfants s'habillent pour une sortie au parc. Un tout petit encore très désordonné dans ses activités attend un peu à l'écart, dans la zone de la ligne. Il se met à marcher doucement sur la ligne avec un sourire de contentement. Pourtant, lorsqu'on lui avait montré la marche sur la ligne, une semaine auparavant, il s'était mis à courir dessus. Un petit exemple qui nous incite à raffermir notre patience et notre confiance.

6. Arriver chaque matin comme s'il ne c'était rien passé la veille.

Oui, je sais, c'est le plus difficile.
Chaque matin, laissez derrière vous le souvenir de moments pénibles passé avec cet enfant, de cette envie de les passer par la fenêtre alors que l'un passe son temps à prendre du matériel non présenté, l'autre a mis trop de papier dans les toilettes qui viennent de déborder en répandant plusieurs litres sur le sol de la salle de bain, une autre court vers sa copine ciseaux brandis en avant, sans compter 2 grands qui décident de traverser la classe en faisant des bonds en hurlant qu'ils sont des lièvres (au moins, ils connaissent le mot "lièvre")...
Tout cela, c'est du passé et il est important d'accueillir chaque enfant sans que son comportement d'hier ne représente un poids sur celui d'aujourd'hui. Si nous sommes inquiets, nous finissons par mettre une étiquette à cet enfant qui va finir par se conformer à cette étiquette. Arriver chaque matin en considérant chaque enfant comme vierge de relation avec nous lui donne la liberté de se comporter autrement et donc de progresser.
Cela vaut aussi pour les enfants qui avancent bien. Veillons à ne pas faire peser sur eux notre envie qu'ils avancent. Laissons-leur aussi la liberté de ne pas être aussi "performant" qu'hier. Les enfants travaillent par phases entrecoupées de moments où ils semblent parfois presque régresser.
A nous de faire nos prévisions fondées sur nos observations de la veille et des jours précédents mais de ne pas les imposer. La souplesse, la flexibilité sont des qualités que doit posséder l'éducatrice Montessori. Rappelez-vous: "le maître est l'enfant".


Si vous êtes en ce moment en train de construire votre classe Montessori, j'espère que ces conseils pourront vous aider et n'hésitez pas à témoigner de vos petits trucs ici.




1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Merci pour ce billet qui me permets de relativiser et me conforte dans mes choix pédagogiques.
    Je suis en pleine réflexion pour apporter des améliorations et mieux aborder la rentrée, vos conseils sont précieux :)

    RépondreSupprimer