Le contenu de ce blog est le reflet de mon cheminement dans la pratique de la pédagogie Montessori et n'engage que moi.
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mardi 30 novembre 2010

Une séance ordinaire


Séance ordinaire du mardi, aujourd’hui avec Liv, Eloïse et Tomaso. Après notre temps de ligne, Tomaso s’installe pour découper puis, son activité terminée et rangée, préfère sortir voir sa maman et son petit frère «tout neuf» qui attendent au salon. Il aura bien du mal à revenir en classe, mais les filles se sont mise au travail chacune de leur côté.
Aucun travail vraiment exceptionnel ce matin mais une certaine routine avec des petits détails qui montrent qu’elles progressent chacune dans leur petit chemin montessorien.

Clémence a commencé son travail par la mémorisation de la multiplication. Son travail l’a amené à «faire des ponts» avec ce qu’elle a appris par ailleurs avec l’addition. Spontanément, elle s’est mise à écrire des additions qu’elle connaissait et qui la ramenaient à la multiplication (les doubles). Elle a écrit ces additions en face de la table de 1 qu’elle a réécrit de mémoire pour le plaisir, puis a cherché dans le tableau de contrôle dans quelle table de multiplication se trouvait de résultat de son addition et l’a écrit à côté de son résultat (d’où le fait qu’on a l’impression qu’elle a écrit 5+5=105!).
Clémence a pris beaucoup de temps pour faire cela. Mais, je ne lui ai pas demandé d’accélérer, car on voyait bien qu’elle ne perdait pas son temps, elle était dans la découverte, elle faisait des liens entre ses connaissances et travaillait dans la joie. On peut dire qu’elle était dans ce que Maria Montessori appelle un «grand travail».

Eloïse, elle, a commencé par laver la toile cirée. Ce n’était pas un choix spontané: hier, nous avons dû laisser sécher les peintures à plat sur la table et elle n’a pas pu terminer son rangement. Il était logique que ce soit elle qui s’en charge aujourd’hui.
Après un moment d’étonnement, elle est vite rentrée dans l’activité et a passé beaucoup de temps à observer la belle mousse qui se développait dans l’eau et sur l’éponge. Au bout de quelque temps, l’activité «laver la table» s’est un peu transformée en «laver l’éponge», mais là encore, j’ai laissé faire. L’observation de la mousse est l’un des points d’intérêt de cette activité. Et Eloïse aura appris quelque chose au sujet de la mousse: elle en avait tellement qu’elle n’arrivait plus à rincer sa toile cirée! Au bout d’un moment, alors qu’elle allait se décourager, je lui ai soufflé d’aller changer son eau et de bien rincer son éponge. Elle a été très soulagée de voir qu’elle y arrivait enfin.


Liv a choisi rapidement ses activités et s’est mis tout de suite au travail en commençant par le Sensoriel. D’abord un bloc de cylindres puis les Volumes Bleus. Son travail de superposition était un peu rapide et plusieurs volumes sont tombés sur la table puis par terre. Je suis alors intervenue comme pour la Tour pour rappeler que le matériel devait être manipulé avec précaution. Liv s’est intéressé à la sphère en la faisant rouler sur la table, a ensuite découvert une nouvelle possibilité de superposition (le prisme sur le parallélépipède) puis a longuement comparé le tétraèdre avec la pyramide.
Ensuite, elle est passée au tri de boutons puis a travaillé ses lettres rugueuses avec moi avant d’aller apparier ses 6 lettres rugueuses avec les lettres du grand alphabet mobile.



Pauline a eu du mal à choisir directement une activité. En ce moment, elle voudrait écrire pour de vrai, mais la calligraphie est encore difficile. Elle fait donc beaucoup de dessin, de formes à dessin ou de «pseudo-écriture» et il est parfois difficile de l’en détacher. 
Ce matin, elle a commencé par faire un dessin qu’elle a soigneusement colorié. Elle tournait le dos à Liv quand celle-ci manipulait les Volumes Bleus, mais elle l’a quand même vu les prendre et cela a réveillé en elle l’envie de les manipuler dans la farine. Pendant qu’elle le faisait, Eloïse, qui avait enfin terminé son rangement, a pris une chaise pour l’observer avant d’aller prendre le sac à mystère.
Après le lavage et le balayage qui s’impose, Pauline s’est lancée dans un nouveau dessin.


Comme Liv venait de terminer son travail avec les lettres mobiles, je lui ai proposé d’écrire des mots ensemble. Pauline et Eloïse n’étant pas engagées dans une activité, je leur ai proposé de venir avec nous. Bien qu’un peu plus âgées que Liv, elles n’ont pas encore acquis le même degré de conscience phonologique que Liv. Observer ce travail et y prendre part à leur mesure ne peut être que bénéfique pour elles.
Comme Liv ne possède que 6 lettres pour le moment, nos possibilités sont un peu limitées. J’ai proposé d’écrire «miam», ce qui les a enchantées. Les 3 petites filles ont réfléchi du mieux qu’elles pouvaient pour décortiquer les sons de cette onomatopée, chacune selon ses possibilités.
Puis, de la même manière, nous avons écrit «ami».
Eloïse avait vraiment très envie d’écrire elle-aussi un mot. J’ai proposé «papa». Pour le décodage des sons, l’aide de Liv a été la bienvenue, mais Eloïse était heureuse d’aller chercher les lettres dans la boite. Ensuite, j’ai proposé «bol». Liv n’avait aucune difficulté à décortiquer les sons, mais cette fois-ci, elle a eu besoin de l’aide des autres pour trouver le «b» et le «o» qu’elle entend très bien mais qu’elle ne reconnaît pas encore.


Pendant ce temps, Tomaso -qui était revenu depuis quelques temps dans la classe- avait observé l’activité d’écriture fasciné et étonné alors que Clémence enchaînait les activités de son planning (chaîne du carré de 6, jeu du détective, verbes rouges) avec un peu de lecture personnelle.
Après le temps d’écriture, les 3 filles sont reparties prendre des activités: plier et le jeu des saisons pour Liv, transvaser à la cuillère pour Eloïse et le feuilletage d’un livre pour Pauline. 
Quant à  Tomaso, en dehors de la nouvelle activité de transvasement à la pince qui lui a plue au point qu’il l’a reprise seul après la présentation, il a eu beaucoup de mal à trouver une activité qui l’intéresse suffisamment ce matin. Mais, dans ces dernières minutes, il a enfin trouvé: les crayons à la cire. Enfin il était posé sur une activité au point qu’il était dommage de devoir l’interrompre pour mettre fin à l’atelier...


La fin de la sieste?


Depuis quelques temps, Pauline tente de ne plus faire la sieste et, enfin, l’heure de son endormissement semble s’avancer.
Cet après-midi, Pauline a demandé à venir dans la classe. Etant donné le peu de travail qu’elle avait fourni ce matin (voir billet précédent), je me demandais ce que ça allait donner étant donné que le mardi, il y a X. et W. dans la classe.
Finalement, bien m’en a pris! Pauline a commencé par des formes à dessin (toujours cette passion de l’écriture) avant de prendre des images séquentielles puis le cycle de la coccinelle, ensuite elle a demandé à travailler les lettres rugueuses avec moi et a fait un peu d’écriture spontanée, puis elle a repris seule la 1ère partie de la présentation de la table de Pythagore et a été très fière d’y arriver alors que c’était très dur pour elle hier. Et pour terminer, elle a repris des images séquentielles!


lundi 29 novembre 2010

Trinôme en tranches


La matinée commençait tranquillement: Clémence avait choisi les activités sur son planning et commençait à travailler; Liv avait repris la pâte à modeler et, se laissant guider par les morceaux déjà modelés, fabriquait un bonhomme de neige; Eloïse se lançait dans la peinture, tandis que Pauline alternait dessin, ligne, tentative de pseudo-écriture et observation sans arriver à trouver ce qu’elle voulait pendant que je présentais une nouvelle étape de la mémorisation de la multiplication à Clémence...


Liv, après un petit moment d’observation, a choisi ses activités du jour et s’est mise au travail pendant qu’Eloïse lavait son matériel avant de passer à ses chères lettres rugueuses avec moi. Clémence continuait son travail avec un exercice de grammaire et Pauline n’arrivait toujours pas à trouver d’activité, tournant autour de la ferme et des cartes des animaux sans arriver à faire quelque chose de constructif avec...


Je désespérais d’arriver à aider Pauline à se poser, elle était un peu bruyante et me fuyait en râlant dès que j’essayais de l’approcher pour l’aider à choisir...
Et finalement, elle est allée chercher le trinôme et s’est installée silencieusement à une table. Quand je suis passée voir discrètement ce qu’elle faisait, j’ai eu la surprise de la voir tenter de reconstruire le trinôme hors de la boite alors que je ne lui en avais jamais parlé.


Au bout d’un moment, Pauline était un peu coincée car elle n’avait pas placé le 3ème gros parallélépipède noir et rouge. Je lui ai montré sur le plan et, une fois qu’elle a placé ce morceau, le reste de la construction est allée tout seul et très rapidement.
Comme Pauline aime beaucoup comparer le trinôme et le plan, observant attentivement à chaque fois la séquence rouge-bleu-jaune, il m’a semblé qu’il était opportun de lui montrer comment cette séquence se répète partout dans le trinôme en le découpant en «tranches» dans toutes les dimensions.
La démonstration a enthousiasmé Pauline: «Il est vraiment magique, ce trinôme!» et elle a repris seule le découpage avant de ranger dans la boite.


Quand je vois l’intimité qu’elle a avec ce matériel, j’aimerais bien être projetée dans quelques années, pour voir sa réaction lorsque nous reprendrons ce matériel pour l’étude des produits remarquables et de l’extraction des racines carrées et cubiques!
En attendant, elle a eu droit à la présentation de la table de Pythagore.


Et pendant ce temps, les autres travaillaient...
Et pendant ce temps, les autres travaillaient...








dimanche 28 novembre 2010

Artiste au travail


 Hier, lors de mon passage la Sadel (coopérative de matériel scolaire), j’avais promis aux filles de leur acheter une petite babiole. Clémence a choisi un bonhomme de neige en papier mâché et Pauline une petite boite en bois. Ce matin, dès le petit déjeuné avalé, les filles ont filé dans la classe pour peindre leur petits objets. Quand Clémence est revenue avec son bonhomme de neige, je suis allée jeter un coup d’oeil dans la classe: Pauline était en pleine action, concentrée sur sa peinture: elle ne m’a même pas vue...



vendredi 26 novembre 2010

perfectionnement - suite


Il y a un mois ou deux, lors d’une leçon en 3 temps sur le vocabulaire du plateau de présentation des formes de géométrie avec Pauline et Eloïse, j’avais été amenée à montrer comment manipuler en douceur les formes de sorte qu’on n’entende aucun bruit. Sur le moment, Eloïse s’était prise au jeu de manipuler les formes dans un silence absolu tandis que Pauline faisait exprès de les faire claquer par pur esprit de contradiction.
Ce matin, en fin de séance, Pauline choisit de prendre un tiroir de géométrie. A ma grande surprise, je la vois contrôler ses mouvements et rechercher le mouvement le plus précis et le plus silencieux possible. Elle a ensuite passé beaucoup de temps a faire tourner les figures dans leur cadre (on pourra remarquer au passage l’intérêt qu’elle porte au triangle équilatéral, le seul qui «tourne» dans son cadre) puis elle a recommencé le même travail avec le tiroir des rectangles. Certes, elle n’a pas touché les formes et les cadres (avec Liv, ça fera une moyenne!), mais on a là un vrai travail sensoriel constructif.
La séquence où Pauline manipule les rectangles est assez longue mais comporte un moment amusant: comme tous les vendredis, une classe de l’école maternelle toute proche sort sur le terrain de sport. A ce moment-là, ils rentraient à l’école passant juste sur le trottoir d’en face, bien visibles par la grande baie vitrée. C’est le bruit qu’ils faisaient qui a sorti les enfants de leur concentration. Il était assez drôle de les voir toutes les 3 en pleine contemplation de ces enfants qui marchaient en rang puis reprendre leur travail une fois qu’ils étaient passés, comme si de rien n’était.
Un détail, qui, dans mes moments de doute me laisse tout de même à penser que les enfants sont bien en voie de «normalisation»...




Motifs de perfectionnement


Ce matin, Liv a commencé par choisir ses activités avec les cartes et s’est mise au travail. Elle avait l’air un peu moins inspirée qu’hier et a enchaîné ses activités avec rapidité: versé, un tiroir de géométrie dont toutes les figures ont été bien touchées mais sorties une par une et non pas toutes sorties en désordre à côté du tiroir (travail de discrimination visuelle), 1er plateau de pliage puis Tour Rose.


Quand Liv a pris sa Tour Rose, sa manière de travailler révèlait assez qu’elle a l’impression d’en avoir fait le tour. Elle est allée chercher les cubes et les a alignés directement en ordre comme un escalier. Ensuite, elle a remonté rapidement la Tour sans avoir pris la peine de mélanger les cubes et encore moins de les comparer. Quand on la regarde promener ses doigts sur la Tour ordonnée en escalier, on pourrait penser qu’il est temps de passer à L’Escalier Marron.
Et , de fait, je suis persuadée que, si je lui en faisais la présentation, elle saurait le remonter. Mais je ne vais pas lui présenter trop vite, car Liv n’a pas encore retiré tout ce qu’elle pouvait de la Tour et je crains qu’une présentation prématurée de l’Escalier ne la détourne de la Tour. Liv est encore jeune, nous avons le temps.
Quand on l’observe faire sa Tour, on voit qu’elle va tout de suite à l’objectif: remonter la Tour. Et plus vite l’objectif est atteint, mieux c’est pour elle. Ainsi, elle ne mélange pas ses cubes. Il est aussi probable que, pour elle, mettre du temps à reconstruire la Tour soit considéré comme un échec.
Cette volonté la détourne également d’un grand travail fondamental de ce matériel: la comparaison des cubes. Lors de notre présentation, nous induisons ce travail. Il est assez rare que les enfants reprennent systématiquement la comparaison que nous avons faite, mais, presque toujours, il arrive un moment où l’enfant passe du temps, non pas à remonter la Tour, mais à observer et comparer les cubes.


Quand un enfant a déjà plusieurs fois travaillé un matériel et semble ne plus avancer dessus, alors qu’il ne l’a pas épuisé, il est temps de lui fournir des motifs de perfectionnement ou des prolongements. 
Dans la vidéo qui va suivre, on peut observer que Liv choque assez violemment ses cubes contre le sol. Lorsqu’un enfant manipule bruyamment le matériel, nous n’intervenons pas immédiatement, surtout si l’enfant est concentré et que le bruit provient d’un geste encore hésitant. Quand il s’est familiarisé avec le matériel, si le bruit persiste, nous pouvons intervenir. Cela va constituer un motif de perfectionnement.
Je me suis approchée de Liv. Je lui ai dit que «ma petite oreille» avait entendu beaucoup de bruit quand elle avait défait sa tour. Je lui ai montré les éraflures sur les cubes en lui demandant si elle trouvait cela joli puis je lui ai montré comment je posais les cubes sur le tapis en lui demandant de bien écouter puis d’essayer à son tour.
Après cela, j’ai proposé à Liv un prolongement sur lequel nous avions déjà travaillé: les cartes sur lesquelles poser les cubes de même taille. Ce prolongement a été l’occasion de mettre en pratique le perfectionnement montré. Dans la vidéo, on m’entend rappeler à Liv «ma petite oreille» et elle re-manipule immédiatement son cube pour le poser avec douceur.
Ensuite, j’ai montré à Liv un autre prolongement/motif de perfectionnement: comment monter la Tour en calant tous les cubes dans un angle. L’exercice suppose une plus grande minutie dans le placement des cubes et permet d’observer que l’écart entre les cubes est de la taille d’une arrête du plus petit cube (autre occasion de travailler avec minutie).
Les prolongements et motifs de perfectionnement permettent ainsi de relancer l’intérêt de l’enfant pour une activité et lui permettent de la reprendre encore pour aller y trouver ce qu’ils n’ont pas encore trouvé.
Sur la vidéo, on voit aussi Pauline qui quitte momentanément son activité pour observer le travail de Liv avant de retourner à son travail. C’est ainsi que, dans la classe, les enfants se nourrissent du travail des autres en s’en inspirent pour leur propre travail.



jeudi 25 novembre 2010

Aider l'enfant à se mettre au travail


Attention: Billet très long, mais avec une surprise à la fin ;-)

La mise au travail est l’un des points les plus délicats de la pédagogie Montessori. J’avais déjà commencé à en parler un peu dans un précédent billet. 
Maria Montessori nous dit que «la véritable aspiration» de l’enfant, c’est «la persévérance dans le travail» (l’Esprit Absorbant de l’Enfant). Et lorsqu’on commence à mettre en place son ambiance chez soi ou dans une classe, on pourrait être tenté de penser que les enfants, la société ont trop changé depuis l’époque de Maria Montessori, que sa méthode ne marche plus, qu’elle est dépassée, inadaptée aux enfants de notre époque...
En réalité, Maria Montessori ne nous laisse jamais croire que sa méthode est facile à mettre en place. Jamais elle n’affirme qu’il suffit de posséder le matériel en bon état et de faire la présentation dans les règles pour que ça marche.
Au contraire, au long de ses ouvrages, elle ne cesse de décrire «l’apparition» de l’enfant nouveau et les conditions de cette apparition. Et le point qui revient sans cesse, c’est que l’enfant change quand il est «concentré sur une activité». Pour cela l’éducatrice doit avoir «facilité le contact avec des motifs d’activités préparés pour lui. Dès qu’il a trouvé la façon de travailler, ses défauts disparaissent. Il ne sert à rien de tenir des raisonnements aux enfants
Pour Maria Montessori, cette propension au travail s’organise dans la période de 3 à 6 ans: «Les développements embryonnaires qui se sont accomplis séparément avant 3 ans, chacun à un moment déterminé, doivent enfin agir tous ensemble, et s’organiser au service de la personnalité. Cela se produit quand, dans la période suivante, de 3 à 6 ans, la main travaille, guidée par l’esprit. Si les circonstances extérieures ne permettent pas cette intégration, les énergies continuent à pousser des formations partielles qui se développent anarchiquement, en déviant de leur but. La main travaille sans but; l’esprit divague hors de la réalité (...) Ces déviations ne doivent pas être attribuées à des défauts de la personnalité, mais être interprétées comme étant la conséquence d’un manque d’organisation de la personnalité.»
Ce qu’elle nomme «déviation» peut être corrigé «lorsque toutes les activités concourent à leur but»: «Quand les attractions du milieu appellent l’enfant ou qu’elles offrent des motifs d’activité constructrice, toutes les énergies de l’enfant se concentrent et les déviations disparaissent.» C’est qu’elle appelle la «normalisation: «Le passage d’un stade à un autre survient toujours après un travail de la main, accompagné de concentration

La plan de travail est donc clair: il nous faut amener l’enfant à travailler pour qu’il découvre le plaisir de travailler. Mais Maria Montessori nous parle aussi de la liberté de choisir son activité. 
Certes, nous n’avons pas à imposer à l’enfant de 3 à 6 ans une activité en particulier. Mais la liberté Montessorienne est bien particulière. Elle s’accorde en fonction du degré de développement de l’enfant: «Laisser faire ce qu’il veut à un enfant qui n’a pas encore développé sa volonté, c’est trahir le sens de la liberté.» 
La liberté comprise au sens premier de tout laisser faire n’aboutit qu’au désordre, à l’oisiveté et à la désobéissance. «La liberté, c’est au contraire une conséquence du développement; c’est le développement, aidé par l’éducation des guides latents. Le développement est actif; c’est la construction de la personnalité atteinte par l’effort et l’expérience personnelle: c’est un long travail que doit accomplir chaque enfant pour se développer lui-même
Quant à l’activité qui doit susciter cette normalisation, elle obéit à des règles précises: «Il faut pour cela que des motifs adaptés à provoquer cette attention se trouvent dans le milieu, que les objets soient employés selon le but pour lequel ils ont été fabriqués; cela conduira à un ordre mental; et aussi que ces objets soient employés avec exactitude, ce qui amènera la coordination des mouvements.» (Ici, c’est M. Montessori qui souligne)

On voit par là que toute activité engageant l’attention de l’enfant n’est pas forcément bonne à prendre. J’ai en tête le témoignage d’une maman trouvé sur le net: son enfant déchirait consciencieusement de papier-toilette en tout petits morceaux et les répandait sur le sol. La maman décrivait la concentration de l’enfant à déchirer ainsi le papier et l’intérêt qu’il pouvait avoir à découvrir comment ce type de papier se déchirait, la relation cause-effet...
Certes, mais je doute que Maria Montessori aurait cautionné ce type d’activité. Le papier-toilette n’est pas fait pour être déchiré en petits morceaux. En l’occurrence, c’est un sacré gaspillage! Et le résultat de son travail a été d’avoir provoqué le désordre (désordre que la maman a dû ranger elle-même puisque l’enfant a refusé de l’aider une fois que son activité a cessé de l’amuser). 
Ici, pour moi, on a clairement à faire à une activité non constructive: la gain de la constatation de ce qui se passe quand on déchire du papier toilette n’a aucune commune mesure avec le désordre créé et le fait que l’enfant n’a pas respecté l’usage de l’objet. Imaginons maintenant que l’enfant soit en train de s’appliquer de tout son coeur à peindre sur le mur de votre salon. Est-ce que parce que l’enfant est appliqué sur ce qu’il fait, vous le laisseriez continuer? Certainement pas! L’enfant n’a pas à peindre sur les murs, quel que soit son degré de concentration à le faire, car il s’engage alors dans une activité «fausse» au sens où elle s’applique sur un objet qui n’est pas approprié, elle est destruction plus que construction. 
Nous avons à nous mettre au service des enfants, mais pas à en être esclaves. C’est d’ailleurs un bien mauvais service à leur rendre car la véritable volonté pousse aux «actes bénéfiques de la vie» et mène au développement conscient.
C’est pourquoi la classe est un milieu si important pour l’enfant. Elle est organisée de telle sorte que les occasions pour l’enfant d’exercer leur action de manière inappropriée soient très rares. La classe porte en elle-même les limites de l’action de l’enfant. Dès le départ, nous expliquons la règle aux enfants: ils ne peuvent utiliser que le matériel présenté et de la manière dont nous l’avons présenté (ce qui n’exclut pas une certaine liberté dans la mesure où l’enfant ne passe pas complètement à côté du but du matériel et ne l’endommage pas.). A l’intérieur de ce cadre, l’enfant a toute liberté pour agir et explorer et nous n’aurons que peu à intervenir pour stopper un comportement inapproprié.

Mais même lorsque l’enfant est en activité, il n’est pas forcément «normalisé»: «Si les enfants passent indifféremment d’un objet à un autre, même s’ils s’en servent correctement, ce n’est pas suffisant pour que leurs défauts disparaissent. Il faut que l’intérêt engage la personnalité.»
Et pourtant, passer d’une activité à une autre est déjà un progrès par rapport à la situation de départ où l’enfant peut ne pas reprendre les activités! Car la première tâche de l’éducatrice est de mettre les enfants au travail afin que le phénomène de normalisation puisse se produire.
On dit souvent que l’enfant d’une classe 3-6 ans a le droit de ne rien faire. Cela est vrai, mais dans une certaine mesure seulement. L’enfant a le droit d’aller se reposer, de faire une pause en feuilletant un livre, de passer un moment à observer le travail d’un autre ou un oiseau dans le jardin. Mais l’enfant qui tourne en rond parce qu’il n’arrive pas à choisir, se réfugie dans les livres pour ne pas prendre d’activité ou passe tellement de temps à observer le travail des plus grands qu’il néglige ses propres activités doit être aidé: il n’a pas encore atteint le stade de la discipline intérieure qui lui permet de faire un libre choix qui correspond à son besoin intérieur. Non seulement il ne se construit pas, mais son attitude risque de perturber les enfants qui sont tout juste en voie de normalisation et encore très portés à l’imitation. 
Maria Montessori nous dit que nous devons «appeler» l’esprit de l’enfant sur ce chemin de la normalisation: «La maîtresse doit prendre ses matériels dans l’école et ses principes dans ce qu’elle a appris; et puis elle doit affronter en pratique, toute seule, le problème de ce rappel. Il n’y a que son intelligence qui pourra résoudre le problème, différent chaque fois pour chaque cas individuel

La première chose est de proposer suffisamment d’activités à l’enfant pour qu’il ait le choix et qu’au moins l’une d’entre elles puisse engager suffisamment longtemps l’attention de l’enfant. Mais une fois que l’enfant a à sa disposition une dizaine d’activités, il faut prendre garde à ne pas continuer à introduire sans cesse de nouvelles activités au risque que l’enfant ne reprenne pas ce qui lui a été présenté et attende toujours une activité nouvelle. Or la véritable concentration se produit quand l’enfant reprend le matériel et répète les activités. Si nous cédons à sa demande d’activités nouvelles, il va papillonner et délaisser les activités présentées. Nous devons faire comprendre à l’enfant qu’il a à reprendre le matériel et à s’entraîner. 
Si l’enfant n’a pas compris cela, nous allons être très déçues avec le matériel sensoriel: l’enfant le manipulera de manière superficielle et le délaissera très vite. Nous nous dirons que nous avons acheté ou fabriqué ce beau matériel pour rien et l’enfant, lui, sera complètement passé à côté de tout ce qu’il peut lui apporter. La tentation est grande d’ajouter du matériel à celui qui existe déjà. Mais lorsqu’on sait tout ce qu’il peut tirer du matériel s’il le manipule, il vaut bien mieux trouver le moyen d’amener l’enfant au matériel plutôt que de multiplier les activités

Après cette longue introduction théorique, venons-en maintenant à un cas concret dans la classe. Il s’agit de Liv. Sur bien des points, elle me rappelle Clémence. Son esprit est vif, curieux et rapide. Elle est happée par la moindre nouveauté, veut tout connaître, tout savoir. Comme Clémence également, son esprit va beaucoup plus vite que ses mains. Dès qu’elle a compris, les choses semblent perdre une partie de leur intérêt.
Or, le grand risque, avec ces enfants, c’est justement qu’ils construisent leurs connaissances de manière superficielle car ils veulent aller trop vite. Le plaisir d’aller à l’étape suivante les aiguillonne et ils ne prennent pas le temps d’approfondir. Cette course effrénée et facile au début finit à un moment ou un autre par s’arrêter et l’enfant se trouve confronté à un exercice difficile, qui demande de la persévérance. Si on n’a pas permis à l’enfant de trouver dès le départ ce goût de l’effort et de la persévérance, cela lui sera très difficile.
J’ai vécu cela avec Clémence. J’ai dans mon voisinage des grandes de 8 et 10 ans dont je peux mesurer à quel point certaines connaissances acquises seulement intellectuellement sont fragiles et nécessitent d’être reprises de manière concrète.
Liv voudrait toujours que je lui montre de nouvelles activités. Mais j’ai, pour un temps, cessé de faire de nouvelles présentations. Je lui ai dit qu’elle avait maintenant suffisamment d’activités à sa disposition pour s’occuper. Pendant quelques temps, j’ai essayé de l’aider à prendre ses activités juste en allant avec elle auprès des étagères, mais c’était difficile.
Elle n’aimait pas trop que je vienne la solliciter à chaque fois qu’elle avait fini une activité et se mettait à tourner en rond et il semblait que toutes les activités sous les yeux l’appelaient en même temps. Du coup, comme l’âne de Buridan, qui, dans le conte philosophique, mourut de n’avoir pas su choisir s’il commencerait par l’eau ou l’avoine, Liv n’arrivait pas à choisir et se mettait avec difficulté au travail, se réfugiant vite dans les livres qu’elle feuilletait sans trop les regarder, preuve qu’il s’agissait là plus d’une stratégie d’évitement que d’un choix conscient.

Pour Liv, j’ai donc ressorti les cartes d’activités fabriquées pour Clémence. Liv est ravie car elle a en ce moment une passion pour les cartes! Tous les matins, après la ligne, je lui demande de choisir au moins 2 activités de Vie Pratique et 2 activités Sensorielles. Le fait d’avoir seulement la douzaine de cartes d’activités sous les yeux lui rend le choix beaucoup plus facile. Quand elle a choisi toutes ses activités, elle garde avec elle celle qu’elle veut faire en premier et range les autres dans son casier. Une fois l’activité terminée, elle retourne à son casier choisir l’activité suivante.
Avec les cartes, c’est bien toujours l’enfant qui opère un choix. Mais le choix est facilité. Dans le cas de Liv, il semble que cela soit sécurisant d’avoir une sorte de programme pré-établi par elle-même. Ensuite, quand elle a fini, elle peut continuer à travailler sur le genre d’activité qu’elle souhaite ou nous travaillons les lettres.
Aujourd’hui, elle a sélectionné les Volumes Bleus qu’elle n’avait pas repris depuis lundi dernier malgré mes propositions orales. Et quand je l’ai vue travailler avec, je me suis dit que ça valait vraiment la peine d’avoir mis ce système en place.  J’ai filmé quelques moments de son activité et les ai montés bout à bout. 
Et maintenant, pour les courageuses qui sont arrivées au bout de cet aride billet, voici les photos et le film!



mardi 23 novembre 2010

Arbres


Vendredi soir, après le dernier atelier de la semaine, j’ai sorti ma perceuse, mes vis et mes chevilles et j’ai enfin pris le temps de poser 3 tableaux métalliques que j’avais dans la précédente classe. L’un de ces tableaux est installé juste au dessus de la desserte à peinture. Je l’ai prévu pour exposer des tableaux soit d’un même peintre soit sur une même thématique.
Sur le Jardin de Maria, j’ai trouvé une série reproductions de tableaux sur le thème de l’arbre. J’ai donc exposé cette série. Hier, sur la ligne, j’ai commencé à en montré quelques uns. Nous les avons observés, décrits, commentés. J’ai indiqué aux enfants qu’ils pouvaient s’inspirer des cartes pour peindre des arbres, eux aussi.
Liv, qui a fait une longue séance de peinture, a interprété à sa manière plusieurs de ces cartes. Clémence et Pauline ont été inspirée particulièrement par l’arbre stylisé de Calder.


Liv s’inspire d’un tableau de Monet dont elle ne retient que les taches roses des fleurs. 
Puis elle essaye l’arbre de Calder. Là encore, le tronc disparaît au profit des feuilles/fruits



lundi 22 novembre 2010

Eloïse au travail


Eloïse prend vraiment bien ses marques dans la classe. Elle devient de plus en plus indépendante dans son travail et arrive maintenant à se concentrer sans chantonner comme elle le faisait avant. Aujourd’hui, en l’observant travailler dans la classe, je pensais aux propos de Maria Montessori sur l’éducation de la volonté. Eloïse ne faisait ce qu’elle voulait, elle voulait ce qu’elle faisait.
C’est moi qui lui ai rappelé qu’elle avait à reprendre le trinôme présenté la semaine dernière (Eloïse ne vient que le lundi et le mardi), mais elle est allée le reprendre avec passion et néanmoins un peu d’appréhension à l’idée de ne peut-être pas y arriver.
J’ai donc choisi de rester non loin d’elle pour pouvoir l’encourager du regard car je sais qu’elle a besoin de prendre confiance en elle face à un exercice difficile. Plusieurs fois, alors qu’elle travaillait impeccablement bien, il lui est arrivée de s’exclamer «ah non! je suis bête!». Je me suis permis d’intervenir pour lui faire remarquer qu’elle était loin d’être bête, qu’elle était en train de faire un exercice difficile et qu’elle avait tout à fait le droit de se tromper et de recommencer. Eloïse a esquissé un petit sourire et a continué plus sereinement. Et elle a remonté son trinôme toute seule!


Un peu plus tard, alors que j’étais en train de travailler les lettres rugueuses avec Pauline, Eloïse se plante devant la table de présentation. Comme je lui demande si elle a besoin de quelque chose: «J’attends pour prendre les lettres après», me répond-elle.
Et dès que j’en ai fini avec Pauline, elle prend la boite de lettres, puis la frise rugueuse pour toucher toutes les lettres apprises ensemble.


Ensuite, elle est allée reconnaître ses lettres dans le Grand Alphabet Mobile (elle ne peut encore écrire spontanément car sa conscience phonologique n’est pas encore suffisamment développée) puis a pris l’ardoise de calligraphie, qui reste un travail encore très difficile.



Ensuite, après divers autres activités dont le jeu pour entendre les voyelles (Agnès, de la fabrique des Marmottons vous en propose sa version téléchargeable sur son blog), elle a eu droit à sa présentation des barres bleues. Ouf, quelle belle séance!



dimanche 21 novembre 2010

Les cartes de nomenclature


Les cartes de nomenclatures ou cartes en 3 parties sont un matériel spécifique de Langage en Montessori. Elles consistent en une série d’images sur un même sujet. Il y a d’abord une série de cartes renseignées (le nom est écrit en dessous), puis la même série non renseignée et enfin une série de billets de lecture.
Ces cartes sont utilisées en plusieurs temps dans la classe. Elles constituent l’un des premiers matériel de Langage dans la classe, avant même que l’enfant commence à savoir lire. Il s’agit en effet d’apporter du vocabulaire nouveau de manière classifiée (on appelle également ces cartes, les «cartes de vocabulaire classifié» ).
Il n’y a pas de liste «canonique» pour ces cartes. Elles sont composées par l’éducatrice en fonction de l’environnement général, des intérêts des enfants... Le but n’étant absolument pas de mettre tout le vocabulaire en carte de nomenclature! Beaucoup de vocabulaire peut et doit être apporté directement en observant les objets concrets.

Avec l’enfant, on étale les cartes renseignées sur le tapis puis l’enfant va mettre en paires les cartes non renseignées. Nous discutons ensuite avec lui pour savoir quels éléments il connaît, le faire parler dessus. Nous ferons les leçons en 3 temps nécessaires pour le vocabulaire qu’il n’a pas.

Lien pour le billet sur la lecture 

Le travail sur ces cartes débouchera ensuite sur les «Grandes Nomenclatures»: Botanique, Zoologie, Géographie, Histoire, Anatomie, Géométrie. Ces dernières sont sur un format de 14 X 14 cm. Les cartes de vocabulaire classifié sont sur un format généralement plus petit, mais il faut veiller à ne pas les faire trop petites non plus. 9X9 cm pour les cartes renseignées semble une bonne dimension.

L’autre point à prendre en compte, c’est que la série ne comporte pas trop d’images: 6 ou 8 cartes par série suffisent. Il ne faut donc pas hésiter à scinder les cartes que l’on trouve sur le net en plusieurs pochettes. Essayez de trouver une thématique commune pour chaque pochette: par exemple, pour les fruits, on peut faire des séries selon les saisons et même subdiviser selon les types de fruits (agrumes, par exemple), pour les légumes, trier les feuilles, les fruits, les fleurs, les racines etc...
Pour les ranger, je fabrique des pochettes dans chemises en bristol de format 24 X 32. Ça se trouve très facilement en papeterie de bureau et pour quelques euros, on en a une centaine de couleurs différentes. On peut faire 2 pochettes par chemise et je garde les chutes pour le découpage/collage. Donc, c’est très économique!


N.B.: Je ne mets pas les cartes de ma fabrication sur le blog car les images proviennent de scans de L’imagier du Père Castor. Elles ne sont pas libres de droit.