En cette période de rentrée, voici un article pour vous aider dans vos ateliers Montessori avec vos enfants, en IEF ou éventuellement en plus d'une scolarisation.
Lors d'un prochain article j'aborderai la mise en place dans une classe, mais, si vous êtes enseignant(e), n'hésitez pas à lire ce billet, il contient des idées que vous pouvez aussi reprendre dans votre classe.
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Un souvenir de la pièce Montessori en 2010 avec Clémence et Pauline... |
Voici donc 10 éléments importants pour que vos ateliers Montessori se passent bien et que votre (vos) enfant(s) se mette(nt) facilement au travail.
NB: J'ai pris le parti d'écrire au féminin. S'il y a parmi vous des papas lecteurs ou des enseignants, qu'ils veuillent bien me pardonner
1. Croyez en ce que vous proposez
Vous avez décidé de proposer des temps Montesori à votre (vos) enfant(s)? C'est donc que vous avez pris le temps de vous renseigner sur cette pédagogie, sa philosophie, sa progression, ses bénéfices...
Vous avez fait un choix, assumez-le!
Je ne veux pas dire par là qu'il faut foncer tête baissée et que vous n'avez pas le droit de changer d'avis. Mais si vous voulez vraiment tester la pédagogie Montessori, alors allez-y avec conviction.
Rappelez-vous que votre enfant est une éponge. Il absorbe son environnement pour apprendre mais également les émotions.
Si vous êtes incertaines, tendue, anxieuse, si vous n'avez pas l'impression de faire quelque chose de bon pour votre enfant, comment voulez-vous qu'il se sente suffisamment sécure pour être réceptif à votre proposition?
2. Délimitez l'atelier dans l'espace et dans le temps
L'espace Montesori obéit à des critères précis et son utilisation également. Les règles n'y sont pas exactement les mêmes qu'avec les jeux et jouets. Autant il est parfaitement légitime d'utiliser ensemble dînette et poupée ou de s'inventer des mondes avec des éléments de jeu, autant il ne sera pas possible de mélanger 2 plateaux de vie pratique ou de construire des châteaux avec les tablettes de couleurs.
Vous aiderez donc grandement votre enfant en séparant l'espace de jeu de l'espace Montessori.
Autant que faire se peut, un espace hors de la chambre est préférable. Il sera d'autant plus facile de distinguer temps de jeu et temps Montessori.
De même, balisez verbalement le temps d'atelier. "Maintenant, c'est le temps des activités (Montessori)". Et à partir de ce moment, votre enfant est libre de faire tout ce que peut faire un enfant dans une classe Montessori, mais il reste dans cet espace. Ce n'est plus le moment d'aller jouer dans sa chambre. C'est comme au moment du repas.
Intervenez gentiment mais fermement (rappelez-vous le conseil n°1) si votre enfant quitte l'atelier en plein milieu et rappelez-lui qu'il pourra retourner jouer à la fin de l'atelier.
En faisant le choix de la pédagogie Montessori, vous avez fait le choix de mettre votre enfant en contact avec un environnement "préparé", c'est-à-dire un ensemble d'activités destinées à favoriser son autonomie, sa concentration, sa curiosité, sa construction intellectuelle. Ces activités s'utilisent dans un cadre avec des règles peu nombreuses mais précises. C'est une pédagogie différente de l'apprentissage par le jeu libre et vous n'obtiendrez pas les résultats attendus si vous mettez le matériel dans une ambiance de jeu libre.
Ce qui fait la spécificité de Montessori, c'est la philosophie et l'ambiance qui en découle, pas le matériel qui est secondaire.
3. Soyez disponible lors du temps d'atelier.
Lorsque vous êtes en atelier avec votre enfant, oubliez toutes vos autres préoccupation. Vous êtes là pour votre enfant et il doit le ressentir. Laissez vos soucis et projets à la porte!
L'enfant a besoin d'une présence enveloppante: de loin, il sent que vous veillez sur lui. Il doit pouvoir ressentir votre confiance en lui, pouvoir compter sur votre aide et votre encouragement discret.
Il doit aussi pouvoir échanger avec vous ses impressions après une période de grand travail.
L'adulte sécurise par sa présence vigilante, encourage par son regard et sa parole bienveillante et permet la maturation de la confiance en soi par une écoute attentive.
4. Sachez vous faire discrète.
Dans une clase Montessori, l'éducatrice et son assistante s'occupent de 20 à 35 enfants. Leur attention se porte alternativement sur chacun. En IEF, nous n'avons que 1, 2 ou 3 enfants, rarement plus.
Si nous n'y prenons pas garde, le risque, c'est que notre observation pèse trop lourd sur les épaules de l'enfant. Il peut alors adopter l'un ou l'autre de ces comportements:
Soit l'enfant devient dépendant de notre regard et sollicite constamment notre attention. Il ne veut rien faire que sous notre regard et quémande notre appréciation.
Soit au contraire, pour se protéger de notre regard, il peut choisir de ne plus rien faire.
Il faut donc trouver la juste place: apporter la présence enveloppante et préserver l'intimité de l'enfant.
Il ne doit à aucun moment se sentir ni "sous les feux de la rampe" (et donner son activité en spectacle à l'adulte en vue d'appréciations positives) ni "sur le gril" (se sentant épié en permanence et redoutant notre regard).
A nous de trouver comment nous faire discrète. Restons disponible mais ayons notre propre occupation qui nous évite d'avoir les yeux rivés sur notre enfant.
Essayez un instant de vous imaginer, vous, au travail, avec un supérieur qui vous dise: "Allez-y, faites ce que vous avez à faire, je vous regarde." Dans quel état d'esprit seriez vous?
S'occuper de l'ambiance, prendre des notes, préparer un matériel (attention, c'est à double tranchant, votre enfant peut tout lâcher pour venir vous voir!), s'entraîner à manipuler un matériel... Avec un peu d'imagination, on finit par trouver sa juste place, surtout dès qu'on a plus d'un seul enfant dans l'atelier.
5. Soyez régulière
L'ordre est un besoin essentiel de l'enfant dès la naissance (voir les périodes sensibles de Maria Montessori). Il construit leur rapport au temps, leur logique, leur persévérance, et, au bout du compte, leur intelligence.
A partir du moment où vous vous êtes décidée faire des ateliers, allez-y chaque jour à une heure régulière. Votre infant va intérioriser le temps de l'atelier. Peu à peu, il sait ce qui se passe avant et ce qui se passe après. Cela le sécurise. Cela participe de la "normalisation", cet affreux mot qui indique que l'enfant agit spontanément en suivant son guide intérieur et se met au travail dans la joie.
Si vous ne faites pas d'atelier pour une raison particulière, expliquez-le à l'enfant. Mais, dans la mesure du possible, évitez de placer des rendez-vous sur le temps habituel de l'atelier, sinon l'enfant ne s'y retrouvera pas.
6. Passez suffisamment de temps dans l'atelier.
Au début, vous planifierez quelques séances plus courtes. Il faut du temps pour que l'enfant ait suffisamment d'activités à sa disposition. Ensuite, essayez de passer 2 à 3 heures dans l'atelier.
J'entends et je lis souvent "Ah, mais le mien (plus rarement "la mienne"!), au bout d'une heure, il tourne en rond, il faut arrêter."
En fait, au bout d'une heure, se déclenche le phénomène de la "fausse fatigue". Maria Montesori en parle longuement dans le tome 2 de
La Pédagogie Scientifique lorsqu'elle décrit le rythme de l'enfant.
Si on prend le temps de laisser l'enfant trouver sa prochaine activité, alors, il va se lancer dans un "grand travail". C'est une activité plus difficile que celles qu'il a faites auparavant et qui correspond exactement à son besoin. Elle va capter son attention et le laisser calme et enthousiaste quand il aura fini. C'est là qu'il aura besoin de votre oreille attentive pour vous confier son enthousiasme.
Si on interrompt l'atelier au moment de la fausse fatigue, on empêche le grand travail d'arriver.
Donc proposer un temps ininterrompu d'au moins 2h, c'est un service qu'on rend à l'enfant. C'est ainsi qu'il va apprendre à se concentrer davantage et progresser. Il faut juste gérer le temps de la fausse fatigue: être présent pour l'enfant, ne pas le juger, tolérer un peu d'agitation, lui laisser le temps de trouver une nouvelle activité sans trop intervenir.
7. Donnez à votre enfant les clefs pour accéder à l'autonomie.
Aidez votre enfant en lui donnant le mode d'emploi de l'atelier. Si vous dites à un enfant qui débute: "Ici, c'est pour toi, tu peux travailler comme tu veux, c'est toi qui décides ce que tu fais.", il y a de fortes chances que ce soit trop difficile à gérer pour lui. "
Donner la liberté à celui qui n'est pas prêt est une erreur." écrit Maria Montessori dans l'
Esprit Absorbant.
Au contraire, dès les 1ères séances, expliquez à votre enfant comment ça va se passer. Cela lui évitera la sensation paralysante d'une trop grande liberté quand on n'est pas encore maître de soi.
La première fois, faites 3 ou 4 présentations, puis dites à l'enfant: "Maintenant, je te laisse reprendre le travail que tu veux." En fonction de sa fatigue, de sa motivation, il reprendra une présentation, ou plusieurs, voire toutes. Lors de cette première séance, montrez-lui aussi les activités qu'il peut prendre sans présentation particulière: puzzle, kappa, pâte à modeler, perles...
Le lendemain dites à l'enfant: "Tu te souviens des activités que je t'ai montrées hier? Tu vas commencer par t'entraîner en les reprenant. Ensuite, je t'en montrerai de nouvelles." Et laissez l'enfant reprendre plusieurs activités avant de vous lancer dans une nouvelle présentation. Ainsi l'enfant intériorise qu'il doit choisir une activité en arrivant dans l'ambiance.
8. Aidez sans relâche l'enfant qui ne trouve pas de travail
Maria Montessori nous explique que la clef qui permet à l'enfant de reprendre les rênes de son propre apprentissage (la normalisation), c'est le travail, l'activité constructive et concentrée.
Proposez inlassablement du travail à l'enfant qui n'en trouve pas spontanément. Sachez identifier le moment où l'enfant ne fait rien parce qu'il se repose après un travail ou observe celui d'un autre, et celui où l'enfant tourne en rond, n'arrive pas à choisir.
L'éducateur, nous dit Maria Montessori, est le trait d'union entre l'enfant et le matériel. Nous sommes dans ce rôle lorsque nous le lui présentons mais aussi lorsque nous l'amenons à l'activité.
Il n'y a pas de recette miracle mais des comportements qui aident: adopter un ton bienveillant, confiant et sûr de soi, aller l'étagère avec l'enfant pour qu'il ait le matériel sous les yeux, bannir la question "Est-ce que tu veux faire ça?", la remplacer par "Quelle activité choisis-tu?".
Si l'enfant a trop de mal, proposez-lui un choix entre 2 activités dont vous pensez qu'elles répondent bien à son besoin. Amenez-le devant ces activités et demandez-lui laquelle il choisit en les montrant et les nommant.
Si ça ne marche pas, vous pouvez essayer le "Tiens! prends cette activité." Si le ton est vraiment bienveillant et convaincu, ça marche souvent. Et à la suite d'une première activité proposée par l'adulte, l'enfant sait souvent mieux ce qu'il veut faire parce qu'il a été mis en activité. Attention, cependant, l'enfant peut encore dire non, vous ne le forcez pas.
9. Ne faites pas de contrat
Bien que pratiqué par l'une de mes formatrices, c'est plutôt une fausse bonne idée, surtout en 3-6 ans.
Le contrat suppose une attente de l'adulte, c'est un début de pression.
Un contrat est un acte juridique qui implique des parties et prévoit des obligations ainsi que des sanctions en cas de manquement.
Que ferez-vous si l'enfant ne remplit pas son contrat? Voulez-vous le sanctionner? Et s'il n'y a aucune conséquence au fait de ne pas le remplir, alors quelle est sa valeur? Pourquoi en faire un?
Le contrat présente des activités "minimales" que l'enfant doit faire. Du coup, il incite certains enfants à ne faire que cela. Il supprime alors le travail du choix et certains enfants ne savent plus quoi faire en dehors du contrat. Ils perdent l'accès à l'activité spontanée qui est la base de la pédagogie. Certains ne travaillent plus pour eux-mêmes mais pour l'adulte, d'autres vont faire durer leur contrat pour ne pas avoir à faire/choisir d'autres activités ensuite. Ils prennent donc l'habitude de travailler de manière déconcentrée.
Je vous en parle d'autant plus à l'aise que j'ai moi-même utilisé le contrat avec Clémence puis pour certains enfants dans les ateliers et au début de l'école. Mais nous en avons vite vu les limites, même si ce système nous a d'abord paru bon. Par la suite, nous l'avons totalement abandonné. Cela générait un peu plus de travail pour l'assistante pour les aider à trouver une activité (et encore! même avec un contrat, il fallait motiver un certain nombre d'entre eux!), mais ensuite, les enfants devenaient beaucoup plus engagés dans leur activité et la qualité de l'ambiance était bien meilleure.
La seule chose que nous ayons faite, suite à la suppression du contrat, c'est de proposer aux enfants les plus âgés une jolie boîte personnelle (décorée par leurs soins) dans laquelle ils retrouvaient des images de leur activités "de grands" du moment (lecture, écriture, dictée muettes, opérations, mémorisations, tables de Seguin). La boîte était régulièrement mise à jour pour qu'il ne reste que quelques activités et ils étaient incités à aller consulter leur boite pour se rappeler où ils en étaient de leur travail et puiser de l'inspiration.
10. Observez, sans lunettes de perfectionniste!
Si vous mettez déjà en pratique les 9 premiers conseils, vous aurez une bonne base de départ.
Ensuite, n'oubliez pas la patience, la confiance, la bonne humeur.
Observez régulièrement votre enfant, non pas à travers le filtre de vos lectures ou de vos visites sur un blog, mais en toute objectivité. Votre enfant est-il concentré (au moins un peu)? Est-il impliqué dans son activité?
Observez ses petites mains, son regard, sa petite moue, ses mimiques. Un jeune enfant peut être très concentré tout en bougeant beaucoup. Prenez le temps de voir au delà du 1er regard.
L'activité qu'il a prise vous a peut-être déçue, vous la pensiez trop facile, il l'a déjà prise beaucoup de fois et vous espériez qu'il en prenne une autre plus difficile. Mais observez-le bien: l'a-t-il prise parce qu'il la maîtrise et qu'il veut se rassurer ou se montrer qu'il est capable, avant de passer à une autre? Ou alors pour vous faire plaisir? Ou simplement parce qu'elle correspond encore à son besoin, malgré toutes vos attentes?
N'oubliez pas ce que nous dit Maria Montessori: "
L'enfant est le guide". Mais pour le suivre, nous devons faire preuve d'humilité, savoir le voir tel qu'il est et non tel que nous le rêvons, l'attendons, l'espérons. Posons-nous et ouvrons nos yeux, avec cœur et sensibilité et surtout beaucoup de confiance. Et n'hésitons pas à modifier notre attitude quand nous voyons qu'elle entrave la progression de notre enfant.
On pourrait ajouter bien des choses pour compléter ces 10 conseils. Prenez le temps de les expérimenter. N'hésitez pas à poser vos questions en commentaires ou à partager votre propre expérience et vos petits trucs.
Et surtout, passez de bons moments en atelier Montesori avec vos enfants!